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a menti, pourquoi cachait-il des registres qui, Verrès, ne pouvaient en rien vous nuire ? Si réellement il n’en a pas tenu, cela même ne prouve-t-il pas clairement qu’Apronius n’était qu’un prête-nom ? Car les dîmes ne peuvent s’exploiter sans donner lieu à beaucoup d’écritures ; tous les noms des laboureurs, ainsi que les arrangemens passés entre les décimateurs et chacun d’eux, doivent être nécessairement consignés sur des registres. Tous les laboureurs avaient, conformément à votre ordre et à vos règlemens, déclaré le nombre d’arpens mis par eux en valeur. Je ne crois pas qu’aucun d’eux se fût avisé d’en déclarer moins, lorsqu’ils avaient devant les yeux tant de croix, tant de supplices, tant de commissaires pris dans votre cohorte. Pour chaque arpent du territoire de Leontium on sème régulièrement, chaque année, un médimne de froment : le laboureur est content lorsque ce médimne en rapporte huit ; s’il en rapporte dix, c’est là une faveur des dieux. Lorsque la récolte va jusque-là, les dîmes équivalent aux semailles, c’est-à-dire que pour la dîme l’on paie autant de médimnes qu’on a ensemencé d’arpens. Dans cet état de choses, je dis premièrement que la dîme du canton de Leontium a été vendue plusieurs milliers de médimnes de plus qu’il n’y avait eu d’arpens ensemencés. Ensuite, s’il était impossible de recueillir de chaque arpent plus de dix médimnes, et si l’on ne devait donner par arpent plus d’un médimne au décimateur, même quand la terre, ce qui est extrêmement rare, en avait rapporté dix, quelle raison pouvait avoir un décimateur, si c’était véritablement la dîme, et non les propriétés des cultivateurs qui lui avaient été vendues, quelle raison, dis-je, pouvait-il avoir d’acheter les dîmes pour plus de médimnes qu’il n’y avait eu d’arpens ensemencés ?