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mission, serait accueilli favorablement ; mais ils aimaient mieux subir une condamnation qui rendrait Verrès odieux, et le couvrirait de honte, que de souscrire aux volontés et aux propositions de son agent. Ils demandèrent quelle serait la formule de l’instruction qu’il donnerait aux commissaires : « La voici, leur dit-il : S’il est prouvé que les habitans d’Agyrone aient contrevenu a l’édit ; et c’est là-dessus que sera rendu le jugement. » Malgré la criante iniquité de cette formule et l’évidente partialité des commissaires, ils aimèrent mieux s’exposer à tout que de transiger au gré d’un pareil homme. Il leur envoya sous main Timarchide, pour leur représenter que, s’ils étaient sages, ils transigeraient ; ils persistèrent dans leur refus. Quoi donc, aimez-vous mieux vous voir condamner chacun à cinquante mille sesterces (28) ? Nous l’aimons mieux, répondirent-ils. Alors le préteur, élevant la voix, dit en pleine audience : « Celui qui sera condamné, sera battu « de verges jusqu’à ce que mort s’ensuive. » À ces mots, les députés, les larmes aux yeux, le prient, le conjurent de vouloir bien souffrir qu’ils livrassent à Apronius et leurs grains, et leurs récoltes, et leurs terres abandonnées, pour que du moins ils se retirassent sans avoir subi un traitement aussi rigoureux que flétrissant.

Voilà, juges, d’après quelle loi Verrès a vendu les dîmes. Hortensius peut encore, s’il le veut, faire un mérite à Verrès d’avoir haussé l’adjudication.

XXIX. Telle a été, pendant la préture de Verrès, la condition des laboureurs, que pour eux c’était un bonheur d’obtenir la permission d’abandonner à Apronius jusqu’à leurs champs non cultivés ; car leur premier désir était d’échapper aux croix, qui sans cesse les menaçaient. Tout ce qu’Apronius prétendait lui être dû, il fallait le donner