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il pût placer ces monumens ; mais, s’il en avait orné ses habitations, on ne les aurait pas long-temps appelés les monumens de Scipion : après sa mort ils auraient changé de nom autant que de possesseurs, tandis que dans le lieu où il les a placés, toujours ils paraîtront appartenir à Scipion, parce que toujours ils nous rappelleront ce nom illustre.

XXXVI. Verrès ayant donc demandé ces statues, et le sénat mis la chose en délibération, Sthenius s’y opposa d’une manière très-énergique. Avec cette éloquence qui le distingue entre les Siciliens, il développa et fit valoir ces puissans motifs, qu’il était plus honorable pour les Thermitains d’abandonner leur ville, que de souffrir qu’on leur enlevât les trophées de leurs ancêtres, les dépouilles de leurs ennemis, les bienfaits du plus grand des héros, les gages de leur alliance et de leur amitié avec le peuple romain. Toutes les âmes furent émues ; il ne se trouva personne qui ne déclarât qu’il valait mieux mourir. Aussi cette ville est encore la seule dans l’univers que Verrès ait vue disposée à ne pas souffrir qu’il enlevât de ses murs aucun monument public, ni par violence, ni par ruse, ni par autorité, ni par la puissance du crédit ou de l’or. Nous verrons dans la suite les excès où s’est portée sa passion pour tous ces objets. Je reviens à Sthenius.

Le préteur, furieux contre Sthenius, rompt avec lui tout lien d’hospitalité. Il déménage, ou plutôt il sort de la maison (68) ; car il en avait déjà enlevé les meubles. Les ennemis de Sthenius l’invitent à prendre chez eux un logement ; leur intention était de l’irriter encore plus par de lâches et gratuites calomnies. Ces ennemis étaient Agathinus, noble Sicilien, et Dorotheus, qui avait pour épouse Callidama, fille d’Agathinus. Déjà Verrès avait entendu