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mais pour prononcer le jugement qu’il devait leur dicter. On n’alla pas plus loin ce jour-là ; l’audience fut remise au lendemain.

XVII. Cependant Heraclius, voyant que le préteur avait tout disposé pour le ruiner, prit, d’après le conseil de ses amis et de ses parens, la résolution de ne point comparaître, et dès la nuit même il s’enfuit de Syracuse. Le lendemain, dès le matin, le préteur, qui s’était levé beaucoup plus tôt qu’à son ordinaire, convoqua les juges. Quand il sut qu’Heraclius ne se présentait point, il leur enjoignit de le condamner par contumace. Les juges le prièrent de vouloir bien observer son édit, et de ne pas les obliger de prononcer contre l’absent, en faveur de la partie présente, avant la dixième heure(36). Ce point fut accordé. Cependant la fuite d’Heraclius inquiétait ses amis, et ses conseillers voyaient avec peine que l’accusé eût pris ce partie. Il leur semblait que le condamner par défaut, surtout quand il s’agissait d’une somme si considérable, était un acte beaucoup plus odieux, que s’il eût été condamné présent : ils sentaient, d’ailleurs, que la loi Rupilia n’ayant pas été suivie dans le choix des juges, la chose paraîtrait encore plus honteuse et plus inique. En voulant donc remédier à ces inconvéniens, le préteur ne fit que mettre plus à découvert son avarice et sa perversité. Il révoqua les cinq juges qu’il avait nommés, et ordonna, comme d’abord il l’aurait dû, s’il avait respecté la loi Rupilia, que l’accusé comparaîtrait devant lui, ainsi que les signataires de l’accusation, pour assister au tirage des juges conformément à la loi. Ainsi ce que la veille Heraclius n’avait pu obtenir de lui malgré ses larmes et ses prières, Verrès s’avise tout à coup de le faire ; dès le lendemain, la loi Rupilia fut mise à exécution. Il tira trois