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TUSCULANES, LIV. I.

ce soit, ou est également proche des enfers. « À ce sujet donc la seule réflexion à faire, c’est que la sépulture ne regarde que le corps, soit que l’âme périsse avec le corps, soit qu’elle lui survive. Or, dans l’un et dans l’autre cas, il est certain que le corps ne conserve point de sentiment.

XLIV. Mais tout est rempli d’erreurs. Achille traîne Hector attaché à son char ; apparemment il se figure qu’Hector le sent ; il croit par là se venger ; et l’on se récrie là-dessus, comme sur la chose du monde la plus douloureuse :

À la suite d’un char, ah ! j’en frémis encor,
Quatre coursiers traînaient le redoutable Hector.

Quel Hector ? et pour combien de temps sera-t-il Hector ? Un autre de nos poètes fait parler Achille plus sagement :

De son illustre fils Priam n’a que le corps,
Et j’ai précipité son âme aux sombres bords.

Votre char, Achille, ne traînait donc pas Hector ; il ne traînait qu’un corps qui avait été celui d’Hector. Un autre sortant de dessous terre, réveille sa mère, et lui dit,

Ô vous, dont le sommeil tient les sons assoupis,
Ma mère, écoutez-moi, prenez pitié d’un fils.

Quand ces vers sont récités d’un ton lugubre, et qui émeut tous les spectateurs, il est difficile de ne pas croire dignes de pitié, ceux à qui les devoirs funèbres n’ont pas été rendus.

Souffrez que d’un bûcher les flammes honorables Dérobent aux vautours mes restes déplorables :

(Il craint que si ses membres sont déchirés, il ne puisse s’en servir ; mais il ne le craint pas si on les brûle.)

Et ne leur laissez pas, sur ces champs désolés,
Traîner d’un roi sanglant les os demi-brûlés.

Puisqu’il récite de si beaux vers au son de la flûte, je ne vois pas de quoi il a peur. Un principe certain, c’est qu’on ne doit point se mettre en peine de ce qui n’arrive qu’après la mort, quoiqu’il y ait des fous qui étendent leur vengeance jusque sur le cadavre de leur ennemi. Th veste, dans une tragédie d’Ennius, faisant des imprécations contre Atrée, lui souhaite de périr par un naufrage. C’est lui souhaiter un affreux genre de mort, et qui fait cruellement souffrir. Mais ce qu’il ajoute :

Que poussé sur un roc de pointes hérissé,
Il meure furieux, de mille coups percé ;
Que de leur sang impur ses entrailles livides
Noircissent les ronces arides ;

c’est une imprécation bien vaine, car le rocher où il veut qu’on l’attache, n’est pas plus insensible que le cadavre, pour lequel il s’imagine que ce sera un grand tourment d’y être attaché. La peine serait horrible pour qui la sentirait ; elle est nulle pour qui ne sent rien. Il ajoute encore une autre chose, qui n’est pas moins frivole :

Et qu’exclu de la tombe, il soit privé du port.
Qui nous met à labri des atteintes du sort.

Quelle erreur dose figurer que le tombeau soit comme un port où le cadavre est a l’abri, et où le mort prend du repos ! Pélops n’est pas excusable d’avoir si mal endoctriné son fils, et de ne lui avoir pas donné de plus saines idées.

XLV. Mais pourquoi nous arrêter aux opinions de quelques particuliers ? Tous les peuples ont leurs préjugés. Les Égyptiens embaument