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CICÉRON.

est pas nouvelle ; et que dans le moment qu'il répond, il ne fait que repasser sur ce qui était déjà dans son esprit. Il ne serait effectivement pas possible, ajoute Socrate, que des notre enfance nous eussions tant de notions si étendues, et qui sont comme imprimées en nous-mêmes, si nos iimes n'avaient pas eu de connaissances universelles, avant que d'entrer dans nos corps. D'ailleurs, suivant la doctrine constante de Platon, il n'y a de réel que ce qui est immuable, comme le sont les idées. Rien de ce qui est produit, et périssable, n'existe réellement. L'âme enfermée dans le corps n'a donc pu se former ces idées : elle les apporte avec elle en venant au monde. Dès là ne soyons plus surpris que tant de choses lui soient connues. Il est vrai que tout en arrivant dans une demeure si sombre et si étrange pour elle, d'abord elle ne démêle pas bien les objets : mais quand elle s'est recueillie, 'et qu'elle se reconnaît, alors elle fait l'application de ses idées. Apprendre n'est donc que se ressouvenir. Quoi qu'il en soit, je n'admire rien tant que la mémoire. Car enfin, quelle est sa nature, son origine ? Je ne parle pas d'une mémoire prodigieuse, telle que l'a été celle de Simonide, de Théodecte, de Cynéas, de Charmidès, de Métrodore, d'Hortensius. Je parle d'une mémoire commune, telle que l'ont tous les honmies, et particulièrement ceux qui cultivent des sciences de quelque étendue. À peine croirait-on de combien d'objets ils la chargent, sans qu'elle succombe.

XXV. Quelle est donc la nature de la mémoire ? D'où procède sa vertu ? Ce n'est certainement ni du cœur, ni du cerveau, ni du sang, ni des atomes. Je ne sais si notre âme est de feu, ou d'air ; et je ne rougis point, comme d'autres, d'avouer que j'ignore ce qu'en effet j'ignore. Mais qu'elle soit divine, j'en jurerais, si dans une matière obscure, je pouvais parler affirmativement. Car la mémoire, je vous le demande, vous parait-elle n'être qu'un assemblage de parties terrestres, qu'un amas d'air grossier et nébuleux ? Si vous tie savez ee qu'elle est, du moins vous voyez de quoi elle est capable. Hé bien, dirons-nous qu'il y a dans notre âme une espèce de réservoir, ou les choses que nous confions à notre mémoire, se versent comme dans un vase. Proposition absurde : car peut-on se figurer que l'àme soit d'une forme à loger un réservoir si profond ? Dirons-nous que l'on grave dans l'âme comme sur la cire, et qu'ainsi le souvenir est l'empreinte, la trace de ce qui a été gravé dans l'âme ? Mais des paroles et des idées peuvent-elles laisser des traces ? Et quel espace ne faudrait-il pas pour tant de traces différentes ? Qu'est-ce que cette autre faculté, qui cherche à découvrir ce qu'il y a de caché, et qui se nomme intelligence, génie ? Jugez-vous qu'il ne fût entré que du terrestre et du corruptible dans la composition de cet horanie, qui le premier imposa un nom à chaque chose ? Pythagore trouvait à cela une sagesse infmie. Regardez-vous comme pétri de limon, ou celui qui a rassemblé les hommes, et leur a inspiré de vivre en société ? Ou celui qui dans un petit nombre de