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TUSCULANES, LIV. I.

le premier qui l’ait soutenu. Il est ancien, sans doute : car il vivait sous celui de nos rois qui portait même nom que moi. Pythagore, disciple de Phérécyde, appuya fort cette opinion. Il arriva eu Italie sous le règne de Tarquin le Superbe ; et ayant ouvert une école dans la grande Grèce, il s’y acquit tant déconsidération, que durant plusieurs siècles après lui, à moins que d’être pythagoricien, on ne passait point pour savant.

XVII. Mais hors des cas où les nombres et les figures pouvaient servir d’explication, les anciens pythagoriciens ne rendaient presque jamais raison de ce qu’ils avançaient. Platon étant, dit-on, venu en Italie pour les voir, et y ayant connu, entre autres, Archytas et Timée, qui lui apprirent tous les secrets de leur secte : non-seulement il embrassa l’opinion de Pythagore touchant l’immortalité de l’âme, mais le premier de tous il entreprit de la démontrer. Passons sa démonstration, si vous le jugez à propos, et renonçons une bonne fois a tout espoir d’immortalité. L’a. Hé quoi, au moment que mon attente est la plus vive, vous m’abandonneriez ? Je sais combien vous estimez Platon, je le trouve admirable dans votre bouche, et j’aime mieux me tromper avec lui, que de raisonner juste avec d’autres. G. Je vous en loue : et moi de mon côté je veux bien aussi m’égarer iwec un tel guide. Pour entrer donc en matière, admettons d’abord un fait, qui pour nous-mêmes, quoique nous doutions presque de tout, n’est pas douteux, car les mathématiciens le prouvent. Que la terre n’est, à l’égard de l’uni vers entier, que comme un point, qui, étant placé au milieu, en l’ait le centre. Que les quatre éléments, principes de toutes choses, sont de telle nature qu’ils ont chacun leur détermination. Que les parties terrestres et les aqueuses tombant d’elles-mêmes sur la terre et dans la mer, occupent par conséquent le centre du monde. Qu’au contraire les deux autres éléments, savoir le feu et l’air, montent en droite ligne à la région céleste ; soit que leur nature particulière les porte en haut ; soit qu’étant plus légers, ils soient repoussés par les deux autres éléments, qui ont plus de poids. Or, cela supposé, il est clair qu’au sortir du corps, l’âme tend au ciel, soit qu’elle soit d’air, soit qu’elle soit de feu. Et si l’âme est un certain nombre, opinion plus subtile que elaii-e ; ou si c’est un cinquième élément, dont on ne saurait dire le nom, ni comprendre la nature ; a plus forte raison s’éloignerat-elle de la terre, puisqu’elle sera un être moins grossier encore et plus simple que l’air et le feu. Reconnaissons, au reste, qu’elle doit son essence à quelqu’un de ces principes, plutôt que de croire qu’un esprit aussi vif que celui de l’homme, soit lourdement plongé dans le cœur ou dans le cerveau ; ou, comme le veut Empédocle, dans le sang.

XVIII. Je ne parle, ni de Dicéarque, ni d’Aristoxène son contemporain, et son condisciple. Ils avaient du savoir : mais l’un, apparemment, puisqu’il ne s’aperçoit pas qu’il ait une âme, n’a donc jamais éprouvé qu’il fût sensible : et pour ce qui est de l’autre, sa musique le charme a un tel point, qu’il voudrait que l’àme fût musique aussi. On peut bien comprendre que différents tons, qui se succèdent les uns aux autres, et qui sont variés avec art, forment des accords harmonieux : mais que les diverses parties d’un corps inanimé forment une sorte d’harmonie, parce qu’elles sont placées et figurées d’une telle façon, c’est ce que je