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CICÉRON.

donnent pour des sages de profession. L’a. À la bonne heure : me voilà prêt à vous écouter. C. Premièrement donc, voyons ce que c’est que la mort, qui parait une chose si connue. Il y en a qui pensent que c’est la séparation de l’âme avec le corps. D’autres, qu’il ne se fait point de séparation, mais que l’âme et le corps périssent en même temps, et que l’âme s’éteint dans le corps. Parmi ceux qui tiennent que l’âme se sépare, les uns croient qu’elle se dissipe incontinent : d’autres, qu’elle subsiste encore longtemps après : et d’autres, qu’elle subsiste toujours. Mais cette âme, qu’est-ce que c’est ? Où se tient-elle ? Quelle est son origine ? Autant de questions, sur quoi l’on est peu d’accord. Selon quelques-uns, l’âme n’est autre chose que le cœur même. Empédocle voulait que ce fut le sang répandu dans le cœur. D’autres prétendent que c’est une certaine partie du cerveau. D’autres, que ni le cœur ni le cerveau ne sont l’âme elle-même, mais seulement le siége de l’âme. D’autres, que l’âme c’est de l’air. Zénon le stoïcien, que c’est du feu.

X. Voilà d’abord les opinions communes, cœur, sang, cerveau, air, et feu. En voici de particulières, et dans lesquelles peu de gens ont donné. Aristoxène, musicien et philosophe tout ensemble, dit que comme dans le chant, et dans les instruments, la proportion des accords fait l’harmonie : de même toutes les parties du corps sont tellement disposées, que du rapport qu’elles ont les unes avec les autres, l’âme en résulte. Il a pris cette idée de l’art qu’il professait. Mais elle ne vient pourtant pas de lui ; car Platon en avait parlé longtemps auparavant, et fort au long. Xénocrate, selon les anciens principes de Pythagore qui attribuait aux nombres une prodigieuse vertu, a soutenu que l’âme n’avait point de figure, que ce n’était pas une espèce de corps, mais que c’était seulement un nombre. Platon, son maître, divise l’âme en trois parties, dont la principale, savoir la raison, se tient dans la tête, comme dans un lieu éminent ; d’où elle doit commander aux deux autres, qui sont la colère et la concupiscence, toutes deux logées a part ; la colère dans la poitrine, la concupiscence au-dessous. On a de Dicéarque un dialogue en trois livres, où il rapporte ce qui fut dit entre de savants hommes à Corinthe. Dans le premier livre, il introduit divers interlocuteurs ; dans les deux autres, un certain vieillard de Phthie, nommé Phèrécrate, qu’il fait descendre de Deucalion et qui tient ce discours : Que l’âme n’est absolument rien : que c’est un mot vide de sens : qu’il n’y a d’âme, ni dans l’homme, ni dans la bête : que le principe qui nous fait agir, qui nous fait sentir, est répandu également dans tous les corps vivants : que l’âme n’étant rien, elle ne saurait donc être séparée du corps : et qu’enfin il n’y a d’existant que la matière, qui est une, simple, et dont les parties sont naturellement arrangées de telle sorte qu’elle a vie et sentiment. Aristote, qui, du côté de l’esprit, et par les recherches qu’il a faites, est infiniment au-dessus de tous les autres philosophes (j’excepte toujours Platon), ayant d’abord posé pour principe de toutes choses les quatre éléments que tout le monde connaît, il en imagine un cinquième, d’où