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SECONDES ACADÉMIQUES.

d’y demeurer fidèles), nous sommes cependant forcés d’employer des termes nouveaux, que les gens instruits aimeront mieux aller chercher dans les écrivains grecs, et que les ignorants ne voudront pas entendre même de nous ; en sorte que toutes nos peines seraient perdues. En physique, si je suivais Épicure, c’est-à-dire, Démocrite, je pourrais écrire tout aussi clairement qu’Amafinius. Quel grand mérite y a-t-il, lorsque vous avez supprimé les vraies causes efficientes, à venir parler du concours fortuit des corpuscules (c’est ainsi qu’ils nomment leurs atomes) ? Vous connaissez notre physique, et vous savez quels en sont les principes, une cause efficiente et une matière que cette force motrice moule et forme ; il y faut de plus employer la géométrie ; mais je vais plus loin, et je crois qu’il serait très-difficile d’exprimer et de faire comprendre cette partie de notre doctrine qui concerne les mœurs et la vie pratique, la détermination des biens et des maux. Les épicuriens pensent tout simplement que le bien de l’homme et celui de la brute, c’est tout un ; mais vous savez combien ici les principes de nos écoles sont relevés et difficiles à entendre. Si vous suivez Zénon, il ne faut pas un médiocre effort pour faire comprendre ce que c’est que ce vrai et unique bien que l’on ne peut séparer de la vertu, et qui, selon Épicure, ne peut même pas être imaginé hors des voluptés qui chatouillent nos sens. Si vous êtes, comme moi, partisan de l’ancienne Académie, avec quelle finesse ne devez-vous pas en développer les principes ? avec quelle subtilité et quelle obscurité ne vous faudra-t-il pas combattre les Stoïciens ? Je fais donc pour ma part un grand usage de la philosophie, à laquelle je demande la force et l’égalité de caractère, et des jouissances pour mon esprit ; je crois, comme Platon, que c’est le présent le plus beau et le plus précieux que les dieux aient fait aux hommes ; mais quand quelqu’un de mes amis témoigne du goût pour cette étude, je l’envoie en Grèce, je veux dire, aux écrivains grecs, pour qu’il aille puiser à la source plutôt que de recueillir les eaux des conduits dérivés. Mais il est des notions dont personne encore ne s’était fait l’interprète public, et qu’avec le plus vif désir de s’instruire on ne savait ou trouver ; ce sont ces notions que j’ai essayé, selon mes forces (car je n’attache de prix extraordinaire à aucun de mes livres), de répandre parmi nous. On ne pouvait pas les demander aux Grecs, ni aux Latins eux-mêmes depuis la mort de notre cher L. Ellius. Toutefois, dans ces écrits de ma jeunesse, où je semai la plaisanterie, comme Ménippe que j’imitai, sans le traduire, j’avais puisé plus d’une réflexion au cœur même de la philosophie et pris plus d’une fois le langage de la dialectique. Après avoir facilité ainsi, par un certain attrait, l’intelligence de ces idées aux gens d’une instruction médiocre, j’ai voulu, je ne sais si j’y suis parvenu, introduire la philosophie dans mes Éloges, et dans les préambules de mes Antiquités.

III. Vous avez raison, Varron, lui dis-je alors ; nous étions dans Rome errants et voyageurs comme des étrangers ; grâce à vos livres, nous nous sommes, en quelque façon, retrouvés chez nous, en apprenant enfin à connaître où et qui nous étions. Vous avez révélé l’âge de Rome, l’ordre chronologique de son histoire, le droit religieux et sacerdotal ; vous nous avez fait connaître ses