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ŒUVRES PHILOSOPHIQUES.

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SECONDES ACADÉMIQUES,

A. M. TERENTIUS VARRON.


LIVRE PREMIER.

ARGUMENT.

Le sujet des Livres Académiques est l’exposition de la doctrine de la nouvelle Académie et des controverses auxquelles elle donna naissance. Ce sujet a été traité deux fois par Cicéron, d’abord en deux livres intitulés Catlulus et Lucullus ; ensuite en quatre, dédiés à Varron. De là ces titres de Premières et Secondes Académiques. Des Premières, le second livre entier nous a été conservé ; dans l’histoire des Lettres, on le désigne d’ordinaires sous le nom de Lucullus. Des Secondes, nous n’avons qu’un fragment du premier livre ; tout le reste de l’ouvrage a péri, sauf quelques passages du quatrième livre cités par les grammairiens, et qui prouveraient que ce livre n’était qu’une seconde édition du Lucullus. Dans le premier des livres dédiés à Varron, Cicéron esquissait l’histoire des doctrines philosophiques depuis Socrate jusqu’à son époque, autant du moins que nous pouvons le conjecturer par la nature et l’étendue du fragment qui nous est resté. Le livre était rempli par un entretien entre Varron, Cicéron et Atticus, qui ne sortait guère, il est vrai, du rôle d’auditeur. Varron expose d’abord les principes de la philosophie platonicienne, développée et souteinue par l’ancienne Académie et par le Lycée qui, selon lui, exprimaient en des termes différents les mêmes dogmes. Il indique ensuite les changements introduits par Zénon dans les diverses parties de la philosophie. Cicéron se fait alors l’interprète et le défenseur d’Arcésilas, qui avait attaqué Zénon, et remis en honneur le doute socratique exagéré et devenu le scepticisme dans l’esprit de la nouvelle Académie d’Arcésilas. Cicéron vient à Carnéade ; mais ici s’arrête notre fragment.

Dans le livre intitulé Lucullus, la nouvelle Académie est successivement attaquée par Lucullus et défendue par Cicéron. Ce qui est surtout en question dans les controverses académiques, c’est la possibilité de la science. Et comme toute connaissance certaine, d’après Zénon, naît de l’expérience, c’est l’autorité du témoignage des sens que l’on attaque d’un côté, et que l’on défend de l’autre. Zénon disait que le fondement de la certitude se trouve dans des représentations sensibles exactement semblables aux objets dont elles expliquent la nature ; et que jamais de fausses apparences ne peuvent être confondues avec ces représentations vraies. Arcésilas et l’Académie admettent avec les stoïciens, que la certitude devrait en effet reposer sur de telles images sensibles ; mais ils soutiennent qu’on chercherait en vain des représentations vraies en regard desquelles on ne pût mettre de fausses apparences entièrement semblables. Ils concluaient de l’imperfection des sens et de la confusion des représentations, à la nécessité pour le sage de ne se prononcer positivement sur rien, et de maintenir son esprit dans une liberté qui ressemble un peu au vide. Ils anéantissaient la science ; mais comme ils ne voulaient pas tomber dans la folie d’interdire l’action, ils décidaient que le sage suivrait les probabilités. Dans la discussion, ils se montraient pleins de zèle et de goût pour la vérité, déclarant qu’elle existait certainement, et que parfois l’intelligence en était manifestement frappée, sans que l’on pût cependant trouver dans les apparences les plus convaincantes le signe indélébile et inimitable du vrai, seul capable de fonder une certitude absolue.

Cette thèse est attaquée et soutenue avec beaucoup d’esprit dans le Lucullus. On ne peut nier que Cicéron ne réponde avec succès aux objections des stoïciens, et qu’il ne sache donner aux arguments de l’Académie un certain tour heureux et sensé qui ressemble au moins à une victoire probable.

L’ordre, généralement suivi, qui place le premier livre des Secondes Académiques avant le second des Premières, n’est pas arbitraire. En effet, si ces deux livres ne sont que des fragments de deux éditions du même ouvrage, il importe pour la clarté que le fragment par lequel commençait sans doute la deuxième édition soit lu avant le livre qui terminait la première. Si la rédaction avait varié d’une édition à l’autre, il est probable que le plan de l’ouvrage avait été maintenu. La lecture successive des deux morceaux fera d’ailleurs apprécier la convenance de l’ordre établi.


I. J’étais dans ma campagne de Cumes, en compagnie de mon cher Atticus, quand M. Varron me fit annoncer qu’il était arrivé de Rome la veille au soir, et que, n’eût été la fatigue de la route, il serait venu incontinent nous trouver. À