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ordonna qu’elle serait reconstruite aux dépens du trésor. Voilà quel fut mon retour. Examine maintenant le tien. Après avoir perdu ton armée, tu ne rapportas d’entier chez toi que ce front armé d’impudence. D’abord, sait-on quelle route tu suivis avec tes licteurs ornés de lauriers ? Quels chemins tortueux, quelles voies détournées ne choisis-tu pas, en cherchant avec soin tous les endroits déserts ? Quelle ville municipale se souvient de ton passage ? quel ami t’a invité ? quel hôte t’a reconnu ? Ne préférais-tu pas la nuit au jour, la solitude à la foule, les tavernes aux villes ? On eût cru voir, non pas un fameux général qui revenait de Macédoine, mais un exilé mort qu’on en rapportait. Ton arrivée enfin souilla Rome elle-même.

[23] XXIII. O toi, l’opprobre, non des Calpurnius, mais des Calventius ; non de Rome, mais de Plaisance ; non de la maison de ton père, mais de la famille barbare de ton aïeul maternel, comment es-tu venu ? quel sénateur, quel citoyen, qui, même de tes lieutenants, est allé à ta rencontre ? C. Flaccus, que tu ne méritais pas d’avoir pour lieutenant, mais qui certes méritait de partager, comme il a fait, les opérations de mon consulat, et de m’aider à sauver la république, était avec moi lorsque quelqu’un vint nous dire qu’on t’avait vu assez près de la porte errer avec tes licteurs. Je sais aussi que Q. Marcius, un de nos plus braves guerriers, fort habile dans l’art militaire, mon ami intime, était tranquillement chez lui lorsque tu paraissais à l’entrée de Rome. C’est à la victoire remportée par ces deux lieutenants, on le sait, que tu dois le titre d’ « imperator ». Mais pourquoi nommer ceux qui ne sont pas allés à ta rencontre ? Je soutiens qu’il ne vint presque personne de la troupe officieuse des candidats, quoiqu’ils en eussent été avertis et priés ce jour-là même et plusieurs jours d’avance. Il y avait à la porte des toges toutes prètes pour les licteurs : ils quittèrent leurs habits de guerre, se revêtirent de ces toges, et formèrent pour leur général un cortége tout à fait nouveau. Enfin, telle fut la manière dont cet illustre Macédonique, après avoir commandé une brillante armée, et gouverné durant trois ans une grande province, entra dans Rome, que jamais commerçant obscur ne fut moins escorté à son retour. Cependant c’est sur cela même que, toujours prêt à se défendre, il m’a trouvé en défaut. J’avais dit qu’il était entré par la porte Célimontane : aussitôt, plein de confiance, notre homme a voulu soutenir juridiquement, contre moi, qu’il était entré par la porte Esquiline, comme si j’eusse dû en être instruit, ou que quelqu’un de ceux qui m’écoutent en eût la moindre nouvelle, ou qu’il importât de savoir par quelle porte tu es entré, pourvu que ce ne soit point la porte triomphale, entrée ordinaire des proconsuls de Macédoine. Tu es le seul qui, revêtu d’un commandement consulaire, sois revenu de Macédoine sans obtenir l’honneur du triomphe.

[24] XXIV. Mais vous avez entendu, pères conscrits, la parole d’un philosophe. Il n’a jamais, dit-il, désiré le triomphe. Quoi ! monstre infâme, opprobre et fléau de la patrie, lorsque tu détruisais le sénat, que tu trafiquais de l’autorité de cet ordre, que tu asservissais à un tribun ta puis-