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lorsqu’à la fin de mon consulat un tribun m’empêcha de dire ce que j’avais résolu, et ne me permit que le serment d’usage, je protestai avec serment, et sans balancer, que j’avais à moi seul sauvé Rome et l’État. Ce fut pour moi, non la gloire d’un jour, mais le témoignage des siècles, mais l’immortalité même, lorsque tout le peuple romain, d’un sentiment et d’un cri unanimes, approuva par un serment le grand et auguste serment que je venais de prononcer. Tel fut alors mon retour de la place publique à ma maison, qu’on ne regardait comme vrais citoyens que ceux qui me faisaient cortége. Enfin, pendant tout le temps que je fus consul, je ne fis rien sans l’avis du sénat, ni sans l’approbation du peuple ; je pris la défense du sénat à la tribune, et soutins les intérêts du peuple dans le sénat ; je réunis le peuple avec les grands, et les chevaliers avec les sénateurs. Voilà en peu de mots l’histoire de mon consulat.

[4] IV. Ose à présent, fléau de la patrie, ose parler du tien. Tu commenças par tolérer, contre le vœu de cet ordre, la célébration des jeux compitaliens, interrompus depuis le consulat de L. Métellus et de Q. Marcius. Q. Métellus (je fais injure à cet illustre mort, un des plus grands hommes qu’ait produits cette ville, de le comparer avec une brute de cette espèce), Métellus, n’étant que consul désigné, s’opposa à un tribun, qui abusant du droit de sa place, ordonnait la célébration de ces jeux malgré un sénatus-consulte ; oui, simple particulier, il les défendit, et obtint par sa considération personnelle ce qu’il ne pouvait encore obtenir par l’autorité consulaire. Toi, le jour des compitales étant tombé le 29 de décembre, tu as souffert qu’un Sextus Clodius y présidât, quoiqu’il n’eût jamais porté la robe prétexte ; tu as permis à un infâme, bien digne assurément de l’honneur de ta présence et de tes regards, de parcourir la ville en triomphe avec les ornements de la magistrature. Tel fut donc le merveilleux début de ton consulat : trois jours après, sous tes yeux, sans aucune opposition de ta part, P. Clodius, ce monstre fatal à sa patrie, abolit les lois Elia et Fufia, ces remparts et ces soutiens de la tranquillité publique ; et non content d’avoir rétabli les corporations qu’avait détruites le sénat, il en créa une infinité de nouvelles, composées d’esclaves et de toute la lie du peuple. Le même homme, livré aux plus infâmes dissolutions, supprima cette antique gardienne de la modestie et de la pudeur, la sévérité de la censure ; et toi cependant, destructeur de la république et de Rome, dont tu dis avoir été le consul, tu n’ouvris pas même la bouche pour donner ton avis au milieu de son immense naufrage.

[5] V. Je ne dis pas encore ce que tu as fait, mais seulement ce que tu as laissé faire. Toutefois, c’est à peu près la même chose, surtout dans un consul, de ruiner lui-même la république par de funestes lois, par de séditieuses harangues, ou de la laisser ruiner par d’autres. Peut-il, en effet, y avoir la moindre excuse pour un consul, je ne dis pas qui a de mauvais desseins, mais qui reste tranquille, qui s’endort quand la patrie est menacée ? Il y avait près d’un siècle que s’observaient chez nous les lois Elia et Fufia ; il y en avait quatre que la censure exerçait sa sévérité. Quelques méchants ont entrepris d’abolir ces lois ; nul n’a pu réussir : il ne s’est point trouvé d’homme assez audacieux, assez effronté pour essayer de donner atteinte à la censure, pour empêcher