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reux d’avoir à me comparer avec cet opprobre, ce fléau de la patrie ! Mais sans prétendre faire de parallèle, je rapprocherai seulement des objets fort éloignés. Et pour ne rien dire de plus que ce qui est public et incontestable, c’est au milieu des troubles civils que tu fus élevé au consulat ; c’est pendant les divisions des consuls César et Bibulus, lorsque tu consentais à être regardé par ceux qui te nommaient comme indigne du jour, si tu n’étais plus méchant et plus vil que Gabinius. Pour moi, toute l’Italie, tous les ordres, tous les citoyens, m’ont déclaré consul le premier, et leurs acclamations ont précédé leurs suffrages.

[2] II. Mais je me tais sur la manière dont nous avons été faits consuls l’un et l’autre. La fortune règne dans le Champ de Mars, je le veux. Il m’est bien plus glorieux d’exposer comment nous avons géré le consulat, que de dire comment nous l’avons obtenu. Aux calendes de janvier, j’affranchis le sénat et tous les gens de bien de la crainte d’une loi agraire et de ses scandaleuses largesses. Je conservai le territoire de la Campanie, s’il ne fallait pas le distribuer ; s’il le fallait, je le réservai à des distributeurs plus intègres. Dans la personne de C. Rabirius, accusé de haute trahison, je soutins, je défendis contre la haine publique l’autorité du sénat, manifestée quarante ans avant mon consulat. De jeunes Romains, remplis de mérite et de courage, avaient éprouvé des disgrâces telles que, s’ils eussent obtenu les magistratures, ils auraient pu bouleverser l’état ; m’exposant seul à leur inimitié, sans compromettre le sénat, je leur fis fermer les comices. Antonius, mon collègue, désirait une riche province ; il nourrissait plus d’un projet hostile à la république : je sus l’adoucir par ma patience et par mes sacrifices. La province de Gaule, pour laquelle je lui avais cédé celle de Macédoine, parce que le bien général me semblait l’exiger, cette province que le sénat avait fortifiée de troupes et pourvue d’argent, je m’en démis en pleine assemblée, malgré les réclamations du peuple romain. Catilina méditait, non secrètement, mais au grand jour, le massacre du sénat et la ruine de la patrie : je le forçai de sortir de la ville, afin que si les lois ne pouvaient nous garantir de ses coups, nos murs pussent nous en défendre. Dans le dernier mois de mon consulat, j’arrachai des mains coupables des conjurés les poignards déjà levés pour égorger les citoyens ; je saisis, je produisis, j’éteignis les flambeaux déjà allumés pour l’embrasement de Rome.

[3] III. Q. Catulus, prince du sénat, chef du conseil public, dans une nombreuse assemblée de sénateurs, me nomma père de la patrie. Cet illustre citoyen, assis près de toi, Pison, L. Gellius dit en plein sénat que la patrie me devait une couronne civique. Le sénat fit ouvrir, à cause de moi, les temples des dieux immortels : j’obtins cet honneur extraordinaire, non, comme beaucoup d’autres l’avaient obtenu, pour avoir illustré la république à la tête des armées, mais, ce qui était unique et sans exemple, pour l’avoir sauvée en temps de paix. Dans une assemblée du peuple,