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DISCOURS CONTRE L. CALPURNIUS PISON.

DISCOURS TRENTE-SEPTIÈME.


ARGUMENT.

Pison et Gabinius, consuls en 695, avaient favorisé et même secondé Clodius dans ses violences contre Cicéron. rentré dans Rome, celui ci se vengea de tous deux en demandant au sénat qu’ils fussent rappelés de leurs provinces : c’est le sujet du Discours sur les Provinces consulaires. Il réussit du moins pour Pison, qui, de retour malgré lui de sa province de Macédoine, fit des plaintes contre Cicéron dans le sénat, et s’attira cette réponse, ou plutôt cette accusation sanglante. Quelques fragments, conservés par Asconius et par Quintilien, sont une preuve certaine que le commencement nous manque.

Ce discours a été prononcé l’an de Rome 698, de Cicéron 52, sous le consulat de Crassus et de Pompée.


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I. Ne sais-tu pas, monstre odieux, ne vois-tu pas combien tout le monde se plaint de ta figure trompeuse ? Personne ne se plaint de ce qu’un je ne sais quel Syrus, de la troupe des esclaves nouveau-venus, se soit élevé au consulat. Ce n’est ni ce teint basané, ni ces joues velues, ni ces dents infectes, qui nous ont fait prendre le change : les yeux, les sourcils, le front, enfin tout l’air du visage, interprète muet des sentiments de l’âme, voilà ce qui nous a trompés en ta faveur, voilà ce qui a trompé, abusé, égaré ceux qui ne te connaissaient pas. Peu de nous savaient tes vices infâmes ; on ignorait combien tu as l’esprit lent, inerte et la langue inhabile. Jamais on n’avait entendu ta voix au forum ; on ne t’avait jamais éprouvé pour le conseil ; de toi, nulle action civile ou militaire, je ne dis pas illustre, mais seulement connue. Tu as surpris les honneurs par l’ignorance de tes concitoyens, et à la recommandation de ces portraits enfumés auxquels tu ne ressembles que par la couleur. Et il se vantera encore d’avoir obtenu toutes les magistratures sans essuyer de refus ! C’est moi qui puis me donner cette louange avec justice : oui, je puis le dire, c’est à ma personne que le peuple romain a conféré tous les honneurs, puisque j’étais un homme nouveau. Pour toi, quand tu fus nommé questeur, ceux même qui ne t’avaient jamais vu accordaient cette charge à ton nom. On te fit édile : c’était un Pison que nommait le peuple romain, et non celui qui m’écoute. La préture, on l’a donnée aussi à tes ancêtres : on les connaissait morts, on t’ignorait vivant. Moi, lorsque le peuple romain, d’une voix unanime, me nommait questeur un des premiers, premier édile, premier préteur, c’était à la personne, et non à la naissance, qu’il accordait cette distinction ; c’était à mes mœurs, et non à mes ancêtres ; c’était à de solides vertus, et non à une frivole noblesse. Que dirai-je du consulat ? rappellerai-je notre nomination ou notre gestion ? Que je suis malheu-