consultations. Ses discours ont de la sécheresse ; rien de plus beau que ses ouvrages de jurisprudence. Il était savant et très versé dans les lettres grecques. Disciple de Panétius, il avait presque atteint la perfection dans le genre des stoïciens, qui est, comme vous savez, plein d’art et de finesse, mais sec et peu propre à faire de l’effet sur une grande assemblée. Il a réalisé l’idée que les philosophes de cette école ont du sage, et a prouvé, par son exemple, qu’elle n’est point une chimère. Mis en jugement malgré sa parfaite innocence (procès qui bouleversa presque la république), il pouvait charger de sa défense deux consulaires très-éloquents, L. Crassus ou M. Antonius. Il ne voulut s’adresser ni à l’un ni à l’autre ; il se défendit lui-même. C. Cotta, son neveu, ajouta quelques mots, et, quoique fort jeune, il fut vraiment orateur. L’augure Mucius parla aussi avec sa netteté et son élégance accoutumées, mais non avec cette force et cette abondance qu’exigeaient la nature du procès et la grandeur de la cause. Rutilius sera donc un orateur stoïcien, et Scaurus un orateur antique. Nous leur donnerons cependant des éloges à l’un et à l’autre, pour avoir élevé parmi nous ces deux genres jusqu’à la hauteur de l’éloquence. Car je veux qu’au forum ainsi qu’au théâtre, on n’applaudisse pas uniquement ceux qui se livrent à des mouvements impétueux et fatigants : une action calme, simple, naturelle, et qui n’a rien de pénible, mérite ainsi notre estime.
XXXI. Puisque nous avons parlé des stoïciens, citons encore Q. Élius Tubéron, petit-fils de Paul Émile, qui vivait à la même époque. Il n’était point orateur, mais il pratiquait dans toute leur sévérité les principes de sa secte ; il les poussait même à l’excès, puisque, étant triumvir, il prononça, contre l’autorité de Scipion l’Africain son oncle, que les augures ne sont pas dispensés par leur charge des fonctions de juges. Son langage ressemblait à ses mœurs : il était dur, austère, négligé ; aussi ne put-il atteindre à l’illustration de ses ancêtres. Ce fut, du reste, un citoyen ferme et courageux, et l’un des plus constants adversaires de C. Gracchus ; on peut en juger par un discours de ce tribun contre lui. Il nous en reste aussi de Tubéron contre Gracchus. S’il n’eut pour la parole qu’un talent médiocre, il excellait dans la discussion.
— Ainsi, dit Brutus, il en est de nos stoïciens comme de ceux de la Grèce. Ce sont d’habiles dialecticiens, des architectes de paroles, qui élèvent-avec beaucoup d’art l’édifice de leur argumentation. Transportez-les au forum, on ne leur trouve plus que de la stérilité ; j’en excepte le seul Caton, à la fois stoïcien accompli et grand orateur. Mais je vois que Fannius eut peu d’éloquence, que Rutilius n’en eut pas beaucoup, et que Tubéron en manqua tout à fait.
— Cela vient, répondis-je, de ce qu’ils s’occupent uniquement de la dialectique, et qu’ils négligent ces développements qui donnent au discours de l’étendue, de la richesse, de la variété. Votre oncle, au contraire, comme vous le savez, a pris des stoïciens ce qu’il en fallait prendre ; mais il a étudié l’art de parler à l’école des maîtres d’éloquence, et il s’est exercé d’après leur méthode. S’il fallait se borner aux leçons des