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Assurément personne n’eût acquis plus de gloire ; mais l’un, que le scandale du traité de Numance avait brouillé avec les gens de bien, et qui avait porté dans son tribunat toute la turbulence de sa colère, fut tué par la main de la république elle-même ; l’autre, décrédité jusque dans le parti populaire à cause de sa perpétuelle inconstance, se déroba, par une mort volontaire, à la sévérité des juges. Tous deux furent de grands orateurs ; et ce n’est point par tradition que nous en parlons ainsi. Nous avons des discours de Carbon et de Gracchus. Ils ne brillent pas encore de tout l’éclat des expressions ; mais ils sont pleins d’esprit et de solidité. Gracchus fut, dès son enfance, instruit dans les lettres grecques par les soins de sa mère Cornélie ; il eut toujours les meilleurs maîtres de la Grèce ; et, encore très jeune, il reçut les leçons du plus éloquent de tous, Diophane de Mitylène ; mais il eut bien peu de temps, et pour perfectionner, et pour déployer son génie. Carbon, tant qu’il vécut, se distingua dans un grand nombre de causes, et devant des tribunaux différents. Parmi les hommes éclairés qui l’avaient entendu, notre ami L. Gellius, qui avait vécu près de lui pendant son consulat, parlait de son débit harmonieux, rapide et animé. Il réunissait, selon Gellius, la véhémence à beaucoup de douceur et d’enjouement. Il était actif, laborieux, et s’appliquait souvent à la composition et aux exercices du cabinet. Il passa pour le meilleur avocat de son temps ; et pendant qu’il régnait au barreau, les procès commencèrent à se multiplier. En effet, c’est dans sa jeunesse que furent établis les tribunaux permanents, institution inconnue jusqu’alors ; car le tribun L. Pison est le premier qui ait fait régler par une loi les jugements de concussion, et ce fut sous le consulat de Censorinus et de Manilius. Le Pison dont je parle plaida lui-même beaucoup de causes, appuya ou combattit beaucoup de lois ; il a laissé des discours qui sont oubliés, et des annales fort sèchement écrites. Pour revenir à Carbon, j’ajouterai que, depuis l’usage des scrutins secrets, établi par Cassius sous les consuls Mancinus et Lepidus, les causes soumises au jugement du peuple avaient plus que jamais besoin du secours de l’éloquence.

XXVIII. Votre famille, Brutus, a produit aussi un homme dont j’ai souvent entendu faire l’éloge par le poêle Attius, son ami. C’est Décimas, fils de Marcus : il s’exprimait avec assez d’élégance, et possédait fort bien pour son temps les lettres grecques et latines. Attius rendait le même témoignage de Q. Maximus, petit-fils de Paul Émile. Avant Maximus, il citait encore celui des Scipions qui, sans être revêtu d’aucune autorité publique, donna la mort à Tibérius Gracchus. Ce Romain, selon lui, portait dans ses discours toute l’énergie de son caractère passionné. Ajoutons P. Lentulus, prince du sénat il eut, dit-on, toute l’éloquence qui est nécessaire à l’homme d’État. Ajoutons encore L. Philus, renommé par la pureté de son style, et plus lettré que les précédents ; P. Scévola, qui se distinguait par la finesse et le jugement, et même par quelque abondance ; M’. Manilius, dont les lumières égalaient presque celles de Scévola ; enfin, Appius Claudius qui avait de la facilité, mais un peu trop de véhémence. On tient encore quelque compte de Fulv. Flaccus et de C. Caton, neveu du second Africain, tous deux orateurs médiocres. Il existe cependant des écrits de Flaccus ; mais ils n’attestent que son amour pour les