l’indignation et la plainte. L’énumération réunit et rassemble les faits et les arguments dispersés dans le discours ; elle les place sous un même point de vue pour en rappeler le souvenir. Si, en traitant cette partie, vous suivez toujours la même marche, il ne sera pas difficile d’y reconnaître l’art. Pour en effacer jusqu’aux moindres traces, pour prévenir le dégoût, employez la variété. Tantôt, et cette méthode, comme la plus facile, est la plus usitée, récapitulez en les effleurant tous vos raisonnements ; tantôt, et l’on rencontre ici plus de difficultés, vous retracez votre division et les différents points que vous aviez promis de traiter, et vous rappelez les raisons dont vous avez appuyé chacun d’eux. L’orateur quelquefois s’adresse à l’auditoire, et lui demande ce qu’il veut qu’on lui démontre encore, et il ajoute : n Voilà ce que nous vous avons appris, voilà ce n que nous avons prouvé. Ainsi vous rafraîchissez la mémoire de l’auditeur, et vous lui persuadez qu’il ne doit rien attendre de plus.
Ici vous pouvez, comme nous l’avons dit plus haut, rappeler vos raisonnements à part, ou, ce qui exige plus de talent, y joindre les objections qu’on vous a faites, en reproduisant votre confirmation, et en montrant à chaque preuve comment vous avez réfuté votre adversaire. Ainsi, une courte comparaison rappelle à l’auditoire et la confirmation et la réfutation. Pour tous ces résumés, on a surtout besoin de varier les formes et les tournures du style. Au lieu de faire vous-même l’énumération, de rappeler ce que vous avez dit et en quel lieu vous l’avez dit, vous pouvez la placer dans la bouche de quelque personnage ou de quelque objet inanimé que vous mettez en scène, Voici un exemple de la première manière : « Si le législateur paraissait tout à coup et vous demandait : Pourquoi hésitez-vous encore ? qu’auriez-vous à répondre, quand on vous a démontré ?… » Et vous pouvez alors, aussi bien que si vous parliez en votre propre nom, tantôt passer en revue tous vos raisonnements l’un après l’autre, tantôt rappeler la division, tantôt demander à l’auditoire ce qu’il attend encore, ou comparer vos preuves aux objections de l’adversaire.
Faites-vous parler une chose inanimée, alors c’est une loi, une ville, un lieu quelconque, un monument, que vous chargez de l’énumération : « Si la loi pouvait parler, ne se plaindrait-elle pas, ne pourrait-elle pas vous dire : Qu’attendez-vous.. encore, juges, quand on vous a démontré que ?… » Et vous avez ici les mêmes ressources. Sous quelque forme que vous présentiez votre énumération, comme vous ne pouvez rapporter vos raisonnements en entier, contentez-vous de rappeler en peu de mots ce qu’ils ont de plus solide ; car il s’agit de rafraîchir la mémoire, et non pas de recommencer le discours.
LIII. Le but de l’indignation est d’exciter notre haine contre un homme, ou de nous inspirer de graves préventions contre quelque fait. Souvenez-vous d’abord qu’on peut, pour la traiter, employer tous les lieux que nous avons indiqués par la confirmation ; car elle se forme, comme l’amplification, de tout ce qui a rapport aux personnes et aux choses. Cependant nous allons considérer les principes et les lieux communs qui appartiennent à l’indignation en particulier.