besoin, serait inutile ; c’est un fait trop évident. On peut alors en conclure, comme de l’exemple cité, que la proposition et la preuve sont réellement deux choses différentes. Or, s’il en est ainsi, il est faux que cet argument n’ait que trois parties.
Nous verrons de même qu’il faut distinguer l’assomption de la preuve ; car, s’il suffit quelquefois, dans un raisonnement, de poser l’assomption sans y joindre la preuve, si d’autres fois elle n’a de poids qu’autant que la preuve y est jointe, la preuve et l’assomption sont des choses différentes : or, il est des arguments où l’assomption n’a pas besoin de preuve ; d’autres, au contraire, comme nous le montrerons, où elle ne peut s’en passer ; donc il faut distinguer l’assomption de la preuve. Voici comme nous prouvons ce que nous venons de dire.
Une assomption, qui renferme une vérité évidente pour tous les esprits, n’a pas besoin de preuve. Par exemple : Si la sagesse est nécessaire, il faut se livrer à l’étude de la philosophie. Cette proposition a besoin d’être prouvée ; car elle n’est pas évidente, puisque bien des gens regardent la philosophie comme inutile, quelques-uns même, comme nuisible. Mais l’assomption est évidente : Or la sagesse est nécessaire. Une vérité si évidente n’a pas besoin de preuve ; elle se sent et se voit d’elle-même ; ainsi l’on peut ajouter tout de suite la conclusion : Donc il faut se livrer à l’étude de la philosophie. Il est donc des assomptions qui n’ont pas besoin de preuve ; mais il est clair pour tout le monde qu’il y en a qui ne peuvent s’en passer. L’assomption et la preuve ne sont donc pas une seule et même chose. Il est donc faux que cet argument n’ait que trois parties.
XXXVII. D’après ces principes, il est constant qu’il y a certains arguments dont ni la proposition ni l’assomption n’ont besoin de preuve. En voici un exemple aussi court qu’évident : « S’il faut rechercher avant tout la sagesse, il faut avant tout éviter l’imprudence. Or, il faut rechercher avant tout la sagesse ; donc il faut éviter avant tout l’imprudence. » Ici la proposition et l’assomption sont incontestables : aussi n’ont-elles pas besoin de preuve. Tous ces exemples nous montrent clairement que la preuve peut tantôt s’ajouter, tantôt se retrancher. Elle n’est donc renfermée ni dans la proposition, ni dans l’assomption ; mais chacune de ces parties a une place et un caractère propre et particulier. Ainsi ceux qui divisent l’épichérème en cinq parties, ont suivi la division la plus exacte.
L’argument appelé épichérème, ou raisonnement, a donc cinq parties : la proposition ou la majeure, qui expose en peu de mots la pensée sur laquelle est fondé tout l’argument ; la preuve de la proposition, qui appuie la pensée énoncée en peu de mots, et lui donne plus de probabilité et d’évidence ; l’assomption ou la mineure, qui tire de la proposition ce qu’on doit démontrer ; la preuve de l’assomption qui la soutient et l’appuie de raisons ; enfin la conclusion, qui exprime d’une manière précise et rapide la conséquence que l’on tire de tout l’argument. L’argument le plus compliqué se compose de ces cinq parties. Il en est