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Pourquoi ?

Son nom, vainqueur du temps, vit toujours pour la gloire.[1]

Pourquoi ce poète ne veut-il pas qu’on pleure à sa mort ? C’est qu’il était satisfait de la gloire qu’il se flattait d’avoir acquise durant sa vie. Par la même raison, présumons que nos larmes et notre deuil déplairont aux morts, et croyons qu’ils souhaitent que nous ne leur accordions que ce qui les a le plus flattés, j’entends cette gloire ou le souvenir constant de leurs vertus : s’il était en notre pouvoir de le rendre immortel par nos discours, en cela seul nous pourrions nous vanter de leur avoir rendu le service le plus agréable pour eux. Vous rappellerai-je maintenant ce que les plus célèbres philosophes ont pensé de celui qui s’afflige de telle sorte, qu’il ne peut être ni apaisé ni rassuré ? C’est qu’il n’a aucune crainte des dieux. Or, il y a de l’impiété à devoir tout aux dieux, et à les payer d’une ingratitude aussi noire. L’antiquité, au contraire, a toujours honoré ceux qui ont fait profession d’obéir en tout aux ordres suprêmes, et qui ont protesté de n’être fâchés de rien qui pût leur venir de cette part. Non seulement elle les a comblés de louanges pendant leur vie, mais elle a encore éternisé, par des honneurs, leur mémoire après leur mort ; et elle en a usé ainsi surtout à l’égard de ceux qu’elle a reconnus avoir joint au culte des dieux l’exercice de la vertu, et principalement de la bienfaisance envers les hommes : en quoi, comme en presque tout le reste, elle a jugé très sainement, puisque, de toutes les choses humaines, celle qui mérite le plus de louanges, est la vie de celui qui marche d’un pas égal dans la crainte des dieux et dans l’amour de ses sembla-

  1. Voy. les Tusculanes, I, 15, 49 de Senectute c. 20.