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Que veulent donc dire ceux qui ne parlent de la mort que pour en exagérer les douleurs et la frayeur qu’ils en ont ? Mais comment parleraient-ils avec connaissance d’un passage qu’on ne fait qu’une fois, qu’ils n’ont point fait, et dont par conséquent ils ne peuvent ni juger ni prononcer s’il est agréable ou douloureux ? A les entendre, les mourants sont agités, tourmentés, déchirés. Il est quelques hommes sans doute dont les derniers moments ont pu donner lieu à cette observation. Mais le système qu’on veut établir ne serait probable que si ces tourments et ces souffrances venaient immédiatement du sentiment de la mort. En effet, si les douleurs que l’on éprouve alors étaient telles qu’il fallût que le corps en donnât des signes, il ne serait pas possible de nier qu’elle n’en dût causer d’assez grandes. Mais comme il n’y a que très peu de gens qui en soient tourmentés, et que cela n’arrive guère qu’à ceux qui ont vécu dans l’infamie, dans le dérèglement et dans le crime, on ne saurait douter que ce ne soient plutôt les reproches de leur conscience qui les épouvantent et les rendent comme furieux, et que les douleurs de la mort ne soient réellement pas la cause de leur affreuse situation. Des gens qui n’ont jamais cru mourir, qui n’y ont jamais pensé, lorsqu’ils en viennent là, sont agités, non pas tant par les souffrances que la mort leur fait éprouver, que par le regret qu’ils ont de quitter cette vie. Ils s’y trouvaient dans l’abondance des biens et des plaisirs ; ils craignent qu’il n’en soit pas de même dans l’autre. Au contraire, les hommes vertueux qui ont toujours regardé la mort comme un port qui nous est assuré après la tempête, qui en ont toujours parlé en ce sens, qui souvent même ont soupiré pour y arriver, et pour échapper,