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Quoique l’âme, en se séparant du corps, le laisse nu et sans mouvement ; quoiqu’il ne soit plus possible à l’homme, dans ces derniers moments, d’user de ses biens et de ses richesses, et qu’il soit forcé de renoncer, suivant l’expression du poète,

                À la pourpre, aux rubis,
Dont le luxe barbare enrichit ses lambris,

l’âme des justes cependant commence dès lors à jouir pour toujours de biens et de trésors beaucoup plus grands, et que le temps ni aucun pouvoir ne saurait leur ôter.

Mais laissons là les exemples des hommes illustres et de leurs grandes actions, que l’histoire a consacrées dans ses annales : venons à ce qui tombe sous les sens de chacun, et prouvons par des faits l’avantage et le profit que nous trouvons dans la mort. Cette manière de raisonner fera concevoir plus clairement la vérité, et nous découvrirons plus facilement de quel côté il faut la chercher. S’il y avait quelqu’un au monde qui pût être sûr que tous les événements réussiraient au gré de ses désirs sans aucun mélange d’adversités, on ne pourrait nier raisonnablement que celui-là ne fût bien fondé à dire que la vie serait pour lui, à beaucoup d’égards, préférable à la mort ; mais il n’est personne qui puisse considérer la vie sans les misères et les chagrins qui l’accompagnent, ni même se promettre une seule demi-heure d’une parfaite félicité. Tous les hommes se flattent d’atteindre au bonheur de Métellus(34) ; quelques uns ne souhaitent pas moins que le royaume de Priam, ou sa nombreuse lignée : comme si Métellus, dont la vie pouvait être heureuse au milieu d’une famille si nombreuse et si florissante, ne l’avait pas quittée à regret ; et comme si Priam, après avoir vu la destruc-