Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/419

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se plaindre, ni le regret de leur perte lui causer d’émotion apparente, malgré la tendresse qu’il avait pour eux.

Il ne faut pas, au reste, s’en étonner ; car la vraie force écarte et repousse tous les vains soucis, elle étouffe tous les désirs déréglés, elle est supérieure à la crainte, elle ne se porte à rien de contraire à l’honneur, n’est détournée de quoi que ce soit ni par timidité ni par inconstance ; et quoiqu’une raison cultivée par la philosophie ajoute quelque nouveau degré de perfection à cette vertu, comme on peut le croire de Périclès, dont le génie était orné par l’instruction, cette force a ses racines au fond même de l’âme ; élevée au-dessus des choses humaines, elle ne tient ni ne communique à rien de bas : en sorte que, quand la culture de la raison et des préceptes s’y joint, elle porte des fruits et plus mûrs et plus abondants. Et il ne faut pas croire que les grands hommes dont je parle aient été insensibles à la douleur : quel serait le mérite de la force dans quelqu’un qui serait privé de sentiment ? Ils sentaient donc cette douleur ; mais aussitôt ils appliquaient toute leur raison à l’étouffer ou à la dissiper, et leurs efforts étaient si constants et si bien soutenus, qu’il fallait que la victoire leur restât ; car il est vrai de dire que si l’on fléchit un moment, cette maladie de l’âme devient plus redoutable que jamais. Tenez-vous toujours en garde et toujours ferme, sans vous relâcher un seul instant ; il n’y aura point de coup que vous ne pariez, point d’assaut auquel vous ne résistiez : au lieu que, si vous vous laissez entamer à cet ennemi, il prendra de tels avantages sur vous, et vous réduira si bas, que jamais vous ne pourrez vous relever. Ajoutons aussi qu’on n’en vient point à