Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans un seul homme. Quant à celles qui accompagnent l’âge mûr, il est moins difficile de comprendre qu’il y en a beaucoup, que de les nombrer, attendu que c’est l’age où l’on est le plus exposé aux inquiétudes d’esprit et aux dangers de perdre la vie, l’honneur, les biens ; car, étant naturellement propre aux affaires publiques et particulières, dont ces agitations et ces périls sont inséparables, il doit y avoir le plus de part. C’est à cet âge qu’on veut servir ses amis et sa patrie[1] ; c’est alors qu’on recueille l’honneur et le profit des événements heureux, mais aussi les chagrins de l’adversité ; c’est le temps où l’on est tenu de défendre les bons citoyens et de se rendre l’accusateur des mauvais ; enfin c’est à ce terme que se manifestent la rivalité et l’émulation de la part des honnêtes gens, et que les méchants ourdissent leurs trames pour vous perdre : état violent où l’on se tourmente sans fin, où l’on est toujours hors de soi ; où les travaux, les soucis, les inquiétudes ne laissent aucun relâche ; où, à force de servir autrui, nous nous manquerions à nous-mêmes, si nous n’étions soutenus par quelques avantages, ou par quelques succès. Mais il s’en faut bien que ces dédommagements égalent en nombre les peines, qui d’ailleurs sont si grandes, qu’elles suffisent pour détourner des affaires publiques. Rome en a offert un mémorable exemple, quand j’ai été puni d’avoir sauvé mes concitoyens, d’avoir défendu nos foyers, d’avoir arraché les armes aux traîtres qui avaient le bras levé sur nous. Mais je ne me plaindrai point d’un malheur qui a valu à ma

  1. Dans l’âge mur, autre combat :
    L’ambition le sollicite ;
    Richesses, dignités, éclat,
    Soins de famille, tout l’agite. J. B. Rousseau.