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vos cœurs, dans votre mémoire, d’assez riches souvenirs. Mais que ceux qui me condamnent voient comment ils pourront faire que mon exil ne soit pas vengé. Si, comme ils se l’imaginent, la bassesse de Lentulus, la fureur sanguinaire de Catilina, la démence de Céthégus, l’infamie et les turpitudes de Cassius demandent satisfaction et crient vengeance contre moi, pensent-ils donc qu’après l’exil de Cicéron un seul moment s’écoule sans péril ou sans terreur ? Mes persécuteurs, quoiqu’ils n’aient aucun piège à redouter de ma part, seront de jour en jour plus tourmentés par le souvenir de leurs forfaits ; et le peuple romain, et moi-même dans mon exil, nous serons vengés. Je cède donc au délire de mes ennemis, aux passions de quelques hommes, pour le salut de tous ; jamais je n’en viendrai au point de vous armer les uns contre les autres, d’exciter les citoyens au plus affreux carnage ; et j’aime beaucoup mieux être privé de ma patrie, de mes enfants, que d’exposer, à cause de moi seul, vous et la république. Tels ont été mes sentiments dès ma première jeunesse, que je me suis cru plutôt né pour la patrie que pour moi-même. Je ne regrette qu’une chose (et je m’en afflige, parce que j’y vois, non seulement la ruine d’un seul homme, mais encore le malheur de tous) ; je regrette de ne pouvoir me plaindre, gémir, implorer la pitié, parler pour moi, me justifier, dissiper les soupçons, confondre mes accusateurs, et d’être obligé d’offrir en silence à leurs coups une tête obéissante ; mais cette tyrannie dont le poids m’accable est cependant moins cruelle pour moi, qu’elle n’est dangereuse pour la république où de tels excès ont osé se montrer.

IX. Je suis donc déterminé et résolu, dans les circonstances critiques où Rome se trouve, à souffrir tous