Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/311

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la conjuration rouvrir toutes vos blessures ? Irai-je implorer l’appui des étrangers, quand vous délaissez des citoyens ? invoquerai-je celui des alliés, quand mes compatriotes m’abandonnent ? Chez quelle nation irai-je me fixer ? Me recevra-t-on comme un sauveur ? m’exclura-t-on comme un traître ? Si l’on voit en moi le libérateur de mon pays, quelle honte pour vous ! Si l’on m’en croit l’ennemi, je n’ai plus d’espérance. Ainsi tout mon malheur vient de ce qui faisait ma joie. Romains, si nous avions, dans les infortunes d’autrui, les mêmes sentiments que dans les nôtres ; si nous sentions combien nous sommes intéressés à prendre en main la cause de l’innocence, à combattre le crime ; si nous étions persuadés que notre salut est compromis quand l’homme de bien est en danger, et que les succès des méchants sont funestes pour nous, certes nous repousserions tous de si pernicieux efforts, et l’on ne nous verrait pas, ou sûrs de notre innocence, ou fiers de notre noblesse, ou comptant sur la puissance et le nombre de nos partisans, nous persuader que les ennemis de la république sont faciles à vaincre, pour venir ensuite, victimes nous-mêmes d’un semblable danger, et rappelés trop tard par notre malheur au souvenir de celui des autres, avouer inutilement que nous avons mérité nos revers(5).

V. Eh ! qui d’entre vous, Romains, en voyant aujourd’hui les excès et la violence de mes ennemis, en songeant aux périls qui m’assiègent, ne doit pas craindre pour sa vie, pour son honneur ? Quels garants lui restent-ils ? La vertu et la gloire ? mais on les tourne en ce moment contre moi. De nombreux amis ? ils vous ont prouvé qu’ils cessent d’avoir du courage dès qu’ils n’ont plus le pouvoir de nous sauver. Le petit nombre