Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le pouvoir qui les dispense, rarement suffira-t-il de les mériter pour les obtenir de lui. Sa faveur sera donc captée par tous les moyens imaginables, et l’art d’y atteindre deviendra une partie essentielle de l’instruction pour quiconque se dévoue aux affaires de l’état.

Cet art fut porté à Rome plus loin peut-être qu’ailleurs ; cela devait arriver chez un peuple dont les mœurs privées étaient dans une harmonie parfaite avec ses mœurs politiques. Cette conformité, dont on n’a généralement qu’une idée confuse, parce qu’elle se rencontre peu chez les peuples modernes, rendait moins pénibles qu’il ne nous le semble la plupart des soins que s’imposait un candidat habile : sur beaucoup de points, il ne faisait guère qu’ajouter plus de régularité et d’exactitude aux devoirs que pratiquaient à Rome les citoyens même éloignés des affaires.

De ce premier aperçu qui d’abord simplifie beaucoup les travaux infinis que prescrit ce traité, et fait ainsi disparaître cette apparence de manœuvres et d’intrigues poursuivies sans relâche, qui nous révoltait, si l’on passe à l’examen de quelques pratiques de détail, on leur reconnaît une utilité réelle et savamment calculée. L’assiduité quotidienne du candidat au forum, en lui rendant l’habitude des affaires de la cité qu’il pouvait avoir perdue dans des emplois lointains, mettait aussi son caractère à l’épreuve et à découvert, à tous les moments du jour et dans toutes les positions de la vie. La nomenclation, le soin d’interpeller chaque citoyen par son nom, cesse de paraître une politesse vaine, une formalité superflue ; et l’on conçoit l’estime accordée aux candidats dont la mémoire sur ce point n’avait pas besoin de secours étrangers. Faut-il expliquer combien il importe à un magistrat de connaître de nom et de figure le plus grand nombre de ceux qui lui seront soumis ; quelle foule de renseignements intéressants il peut ainsi recevoir ou appliquer, qui, autrement, lui parviendraient sans fruit ou ne lui parviendraient pas ; comment, avec cet avantage, une remontrance, une insinuation, un mot, donne-