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lui-même avec le plus de complaisance. La vertu s’aime beaucoup elle-même, parce qu’elle se connaît parfaitement, et qu’elle sent combien elle est aimable. Mais je ne veux parler maintenant que de la réputation de vertu. Bien des gens, en effet, cherchent moins à être vertueux qu’à le paraître. Ce sont ceux-là qui aiment la flatterie : lorsque le flatteur, pour leur plaire, leur donne des louanges, ils s’imaginent que ce vain discours est l’éclatant témoignage de leur mérite. L’amitié ne peut donc subsister entre deux hommes, quand l’oreille de l’un est toujours fermée à la vérité, et la bouche de l’autre toujours ouverte pour le mensonge. C’est plutôt la crédulité des soldats fanfarons qui nous fait rire dans les comédies, que les flatteries des parasites.

Thaïs me fait, dis-tu, mille remerciements ?

Il suffisait de répondre : Oui, mille. Mais le flatteur dit, un million ; car il exagère tout au gré de celui qui l’écoute. Quoique cette flatterie mensongère n’ait de valeur qu’auprès de ceux qui la recherchent et la provoquent, il y a pourtant un conseil à donner aux hommes graves et raisonnables ; c’est de se tenir en garde contre la flatterie adroite et masquée. Un flatteur impudent ne peut tromper qu’un imbécille. Mais on ne saurait assez se prémunir contre les insinuations du flatteur qui se cache et se déguise : il n’est pas toujours facile de découvrir ses ruses. Souvent même il ne vous contredit que pour se ranger ensuite de votre avis ; il ne combat votre opinion que pour mieux vous flatter, en finissant par rendre les armes, par s’avouer vaincu ; et cette victoire qu’il vous accorde est un moyen de vous faire plus sûrement sa dupe[1]. Est-il un rôle plus humiliant ?

  1. « Les louanges du flatteur ne sont utiles qu’à celui qui les donne ; les louanges de l’ami ne sont utiles qu’à celui qui les reçoit. » Sacy