Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, tome 8, 1869.djvu/289

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dans tous les cœurs généreux ce sentiment vainqueur, qui nuit et jour les anime de l'aiguillon de la gloire, et les avertit de ne point limiter aux courts instants de la vie le souvenir de leur nom, mais de l'égaler à la durée de tous les siècles. Eh ! serions-nous donc assez aveugles, nous qui, par zèle du bien public, nous dévouons chaque jour à de nouveaux sacrifices, à des dangers nouveaux ; serions-nous, dis-je, assez aveugles pour consentir à traîner sans fin des jours sans calme et sans repos, si nous étions persuadés que tout doit mourir avec nous ? Quoi ! lorsque tant de grands hommes ont pris soin de laisser après eux l'empreinte, non de leur âme, mais de leur figure, dans des statues et des tableaux, ne devons-nous pas être bien plus jaloux encore de laisser à la postérité l'image de nos pensées et de nos vertus fidèlement tracée dans l'œuvre du génie ? Pour moi, dans tout le cours de mes actions, je me figurais en quelque sorte les répandre et les disséminer dans la mémoire des âges comme une semence de gloire et d'immortalité. Mais, soit qu'après ma mort je sois insensible à la renommée, ou que, comme l'ont pensé les plus sages des philosophes, quelque partie de moi-même puisse en jouir encore, c'est du moins une satisfaction que dès aujourd'hui j'aime à goûter en espérance.

[12] XII. Ainsi, Romains, conservez un homme à qui ses mœurs honnêtes, vous le savez, ont valu