Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, tome 8, 1869.djvu/283

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ce don, ce privilège céleste, semblent les recommander aux hommages des mortels. Honorez donc, Romains, vous, le plus civilisé des peuples, honorez d'un pieux respect ce titre de poète, que jamais n'ont méconnu les nations les plus barbares. Les rochers et les déserts répondent au chant des poètes ; on a vu les animaux les plus farouches, fléchis aux doux accords de l'harmonie, s'arrêter sans colère : et nous, policés par l'étude des lettres, nous serions insensibles au charme des beaux vers !

[9] IX. Colophon s'attribue la gloire d'avoir vu naître Homère, Chio la revendique, Salamine la réclame, Smyrne s'en empare à son tour, et lui a même élevé un temple dans ses murs : d'autres villes encore se disputent l'honneur d'avoir été son berceau. Quoi donc ! un étranger, longtemps même après son trépas, un étranger, parce qu'il fut poète, rend vingt peuples jaloux de l'avoir pour concitoyen, et Archias, qui vit au milieu de nous, Archias, qui veut nous appartenir, et qui nous appartient par les lois, nous le rejetterions de notre sein ! surtout quand il a consacré de tous temps et ses veilles et son génie à célébrer les triomphes et la gloire des Romains ! Jeune encore, il chanta la défaite des Cimbres ; et Marius lui-même, dont la rudesse semblait inaccessible à la poésie, l'entendait avec plaisir. Est-il en effet un homme assez ennemi des Muses, pour se plaindre que leurs accents aient éternisé le souvenir