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l'agrément et la perfection de son art, qu'il nous semblait que jamais il n'eût dû mourir. Ainsi donc un acteur, par les grâces de son jeu et la souplesse de ses organes, s'était gagné dans Rome tous les cœurs ; et nous, ces mouvements de l'âme qui tiennent du prodige, ces sublimes élans de la pensée, nous les verrions sans intérêt ! Combien de fois n'ai-je pas entendu Archias ( car je veux, Romains, profiter de votre bienveillance, puisque vous daignez accorder une attention favorable à ce plaidoyer d'un nouveau genre ), combien de fois ne l'ai-je pas entendu, sans qu'il eût pris la plume, dans un entretien quelconque, sur un sujet offert par le hasard, improviser sans effort de longues tirades d'excellents vers ! combien de fois, prié de les redire, se plut-il à les rendre avec de nouveaux tours et des pensées nouvelles ! Quant aux ouvrages qu'il a pu soigner et mûrir par la méditation, qui ne sait l'estime dont ils jouissent ? On n'a pas craint de les comparer aux chefs-d'œuvre des anciens. Et je ne chérirais pas un tel homme ! je ne l'admirerais pas ! je ne mettrais pas tous mes soins à le défendre ! Les esprits les plus sages et les plus éclairés ont reconnu que les autres talents s'acquièrent par l'étude, les préceptes et l'exercice de l'art ; mais que le poète doit tout à la nature, qu'il s'élève par les seules forces de son génie, et qu'il est comme inspiré par un souffle divin. Aussi notre Ennius, dans son enthousiasme, appelle-t-il sacré les poètes, parce que les dieux, en leur accordant