Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que vous donnera Flavius, puisqu’il a payé à Roscius tout ce qu’il devait ? Pourquoi, pour un fait si ancien, quand l’affaire est terminée et la société dissoute, intervient-il une stipulation nouvelle ? quel fut le rédacteur, le témoin, l’arbitre de cette stipulation ? Qui ? vous-même, Pison. C’est vous, en effet, qui avez prié Roscius de donner à Fannius une somme de quinze mille sesterces pour la peine et les soins que lui avait coûtés la poursuite de cette affaire devant les juges, à condition que, s’il tirait quelque chose de Flavius, il en donnerait la moitié à Roscius. Cette stipulation vous semble-t-elle dire assez clairement que Roscius avait transigé pour lui seul ? Mais peut-être vous viendra-t-il à l’esprit que Fannius a promis de donner à Roscius la moitié de ce qu’il aurait retiré de Flavius, mais qu’il n’en a rien retiré. Qu’importe ? Ce n’est pas le succès de la poursuite que vous devez considérer, mais la cause et le principe de la stipulation ; et si Fannius n’a pas voulu poursuivre, il n’en a pas moins déclaré, autant qu’il était en lui, que Roscius avait traité pour lui-même et non pour la société. Eh bien ! si je démontre clairement que depuis l’ancienne transaction de Roscius, et l’engagement récent pris par Fannius, ce dernier a reçu de Flavius, pour l’affaire de Panurge, cent mille sesterces, osera-t-il outrager plus longtemps dans son honneur le plus probe des hommes, Q. Roscius ?

XIV. Je demandais tout à l’heure, et c’était bien naturel, pourquoi Flavius transigeait sur toute l’affaire, sans recevoir de Roscius aucune garantie, ni aucun désistement de Fannius. Mais maintenant, ce qui est étrange et incroyable, je demande pour quel motif, après avoir transigé pour le tout avec Roscius, il a payé séparément à Fannius cent mille sesterces ? Je suis curieux, Saturius, de savoir ce que vous allez répondre : direz-vous que Fannius n’a rien reçu de ces cent mille sesterces, ou qu’il les a reçus de Flavius à un autre titre et pour un autre objet ? Si c’est pour une autre créance, quel rapport d’intérêts aviez-vous avec lui ? Aucun. Aviez-vous prise de corps contre lui ? Non. Je perds mon temps en vaines suppositions ; Fannius, dit-on, n’a rien reçu de Flavius, ni pour l’affaire de Panurge, ni pour aucune autre. Mais si je démontre que depuis cette dernière stipulation avec Roscius, vous avez reçu de Flavius cent mille sesterces, est-il possible que vous ne sortiez pas du tribunal condamné ignominieusement ? Quel sera pour cela mon témoin ? La justice, à ce qu’il me semble, était saisie de cette affaire : assurément. Qui était le demandeur ? Fannius. Et le défendeur ? Flavius. Et le juge ? Cluvius. J’ai besoin que l’un des trois vienne témoigner qu’il a été donné de l’argent. Quel est le plus digne de foi ? Sans contredit, celui qui, étant juge, a mérité le suffrage de tous. Qui donc des trois prendrai-je pour témoin ? Le demandeur ? C’est Fannius : jamais il ne déposera contre lui-même. Le défendeur ? C’est Flavius : il est mort depuis longtemps. S’il vivait, vous l’entendriez. Le juge ? C’est Cluvius. Que dit-il ? Que Flavius a payé à Fannius cent mille sesterces pour indemnité du meurtre de Panurge. Si vous jugez de ce témoin d’après sa fortune, c’est un chevalier romain ; d’après ses mœurs et sa vie, sa vertu est connue ; d’après vous-même, vous l’avez choisi pour juge ; d’après la vérité, il a dit ce qu’if pouvait, ce qu’il devait savoir. Dites maintenant, osez dire qu’il ne faut pas s’en rapporter au té-