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tion, elle était inculte. Elle est aujourd’hui d’une bien plus grande valeur qu’elle ne l’était alors. Et cela n’a rien d’étonnant : à cette époque, les malheurs de la république rendaient toutes les propriétés incertaines ; aujourd’hui, grâce à la bonté des dieux, toutes les fortunes sont assurées. C’était alors une terre en friche et sans habitation. Aujourd’hui elle est bien cultivée et possède une excellente métairie. Mais comme vous êtes naturellement envieux, je me garderai bien de vous délivrer de ce motif de chagrin et de jalousie. Roscius a fait une très-bonne affaire. Il a obtenu un bien d’un très-grand produit : que vous importe ? Faites pour votre moitié la transaction qui vous plaira. Ici l’adversaire change de tactique, et suppose ce qu’il ne saurait prouver. Vous avez, dit-il, transigé pour le tout. Ainsi toute la cause se réduit maintenant à savoir si Roscius a traité avec Flavius, pour sa part seulement, ou au nom des deux associés. Et je conviens que si Roscius a touché quelque chose au nom de tous les deux, il en doit compte à la société. Vous dites qu’en recevant la terre de Flavius, Roscius a fait l’abandon, non pas seulement de ses droits, mais de ceux de la société. Et pourquoi cela ? Il n’a pas donné à Flavius de garantie d’après laquelle personne ne lui demanderait plus rien dans la suite. Quand on transige pour soi, on laisse entiers les droits des autres ; quand on transige pour une société, on stipule qu’aucun de ses membres ne réclamera rien plus tard. Comment n’est-il pas venu à l’esprit de Flavius de demander cette garantie ? Il ignorait peut-être que Panurge n’appartenait pas à un seul maître ? Il le savait. Il ignorait que Fannius fût l’associé de Roscius ? Il le savait fort bien, car Fannius était en procès avec lui. Pourquoi donc transige-t-il sans stipuler que personne n’aura de recours contre lui ? Pourquoi abandonne-t-il sa terre, sans se faire libérer entièrement ? Pourquoi cette maladresse de ne pas obliger Roscius à une garantie, et de ne pas se mettre à l’abri des poursuites de Fannius ? Premier moyen que je tire des règles du droit et de l’usage ordinaire relativement aux garanties ; moyen grave et puissant sur lequel je m’étendrais davantage, si ma cause ne me fournissait d’autres preuves plus sûres encore et plus évidentes.

XIII. Et pour que vous ne disiez pas à tout le monde que je fais de vaines promesses, c’est vous, oui, vous, Fannius, que je vais faire lever du banc où vous êtes assis, pour venir déposer contre vous-même. De quoi accusez-vous Roscius ? D’avoir transigé avec Flavius au nom de la société. À quelle époque ? Il y a quatre ans. Quelle est ma réponse ? Que Roscius a transigé pour sa part seulement. Vous-même, il y a trois ans, vous faites de nouveau une stipulation mutuelle avec Roscius. Comment ? Greffier, lisez distinctement cette stipulation. Je vous en conjure, Pison, soyez attentif à cette lecture. Je vais forcer Fannius, malgré ses détours, à déposer contre lui-même. Que déclare en effet cette stipulation ? Je m’engage à payer à Roscius lu moitié de ce que j’aurai obtenu de Flavius. Ce sont vos propres paroles, Fannius. Que pouvez-vous obtenir de Flavius, si Flavius ne doit rien ? Comment Roscius stipule-t-il ici de nouveau pour ce qu’il a fait payer lui-même depuis longtemps ?