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gnifique demeure, réunir deux grands et superbes édifices. Du moment que mon départ lui enleva l’occasion d’inonder cette ville de sang, il pressa Q. Séius de lui vendre sa maison. Sur son refus, il le menaça d’en boucher les jours. Postumus jura que de son vivant sa maison ne serait jamais à Clodius. Le rusé tribun comprit, par ce discours, ce qu’il avait à faire. Il empoisonna Séius presque publiquement, et acheta sa maison, en dépit des enchérisseurs, près de moitié plus cher qu’il ne l’estimait lui-même. Qu’en résulte-t-il ? Le terrain de ma maison est aujourd’hui presque libre ; à peine en a-t-on employé la dixième partie à prolonger le portique de Gatulus, et cela pour faire une promenade, pour avoir un monument, pour élever enfin cette Liberté de Tanagre sur les débris de la véritable liberté. Mais il fallait à Clodius, sur le mont Palatin, dans un magnifique point de vue, un portique de trois cents pieds, pavé en marbre, accompagné de salles, orné d’un ample péristyle, et tout le reste en proportion, de manière à posséder la plus vaste et la plus belle maison de Rome. Il n’osa pas, cet homme intègre, lorsqu’il vendit ma maison, dont il était tout à la fois le vendeur et l’acquéreur, il n’osa pas, dis-je, malgré le désordre de ces temps, laisser figurer son nom dans le marché ; il y mit celui de Scaton, homme vertueux qui a voulu rester pauvre ; Scaton, qui, dans les montagnes des Marses où il est né, n’avait pas un toit où il pût se mettre à couvert de la pluie, crut avoir acheté une superbe maison sur le mont Palatin. La partie basse de ma demeure fut destinée par Clodius, non à sa nouvelle famille, mais à celle qu’il avait abandonnée ; et parmi un si grand nombre de Clodius, il ne se présenta, pour être inscrit, que des misérables, perdus de dettes ou de crimes.

XLV. Ministres des dieux, approuverez-vous l’impudence de cet homme, approuverez-vous sa cupidité, son audace inouïe ?

Un pontife, dit Clodius, fut présent à la cérémonie. N’avez-vous pas honte de dire, devant l’assemblée des pontifes, qu’un pontife fut présent, et non pas le collège des pontifes, lorsque vous pouviez, en qualité de tribun, les inviter à venir, ou même les y contraindre ? Soit : vous n’y avez pas appelé le collège ; mais quel membre du collège y avez-vous fait paraître ? Il croyait voir sans doute, dans un seul, l’autorité de tous les pontifes : l’âge et les honneurs ajoutent à la dignité. Il fallait aussi de la science ; et quoique tous soient instruits, l’ancienneté donne toujours plus d’expérience. Lequel des pontifes fut donc présent ? Le frère de ma femme, répond Clodius. Si c’est l’autorité que nous cherchons, quoiqu’il soit d’un âge à n’en avoir pas encore, toutefois, quelle que soit l’autorité qu’on accorde à un jeune homme, une si étroite parenté ne peut que l’affaiblir. L’a-t-on préféré à cause de sa science ? Qui devait en avoir moins que ce jeune homme, membre du collège depuis quelques jours à peine ? De plus, il vous avait une obligation toute récente ; vous l’aviez préféré à votre propre frère. Il est vrai que vous avez pris soin que votre frère ne put se plaindre de vous. Vous appelez donc dédicace une cérémonie à laquelle vous n’avez ap-