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De quelle condamnation ? citez le juge, la loi, la plainte, l’ajournement. Peut-on subir la peine d’une condamnation, sans avoir été condamné ? est-ce là l’esprit du tribunat ? est-ce là une maxime populaire ? Mais où pouvez-vous vous vanter d’avoir été populaire, sinon quand vous avez fait des sacrifices pour le peuple ? Telle est la jurisprudence que nos pères nous ont transmise, qu’un citoyen ne peut perdre ni sa liberté ni ses droits, que de son consentement : vous avez pu l’apprendre dans votre propre cause.

En effet, quoiqu’on n’ait suivi dans votre adoption aucune forme légale, j’imagine qu’on vous a demandé SI VOUS CONSENTIEZ QUE P. FONTÉIUS EUT SUR VOUS LE DROIT DE VIE ET DE MORT, COMME UN PÈRE SUR SON FILS. Si vous aviez dit non, ou seulement gardé le silence, quand même les trente curies l’auraient décrété, leur décret serait-il valable ? Assurément non. Pourquoi ? c’est que nos ancêtres, qui étaient populaires, non par feinte et pour tromper, mais réellement et avec sagesse, ont établi qu’un citoyen romain ne pourrait perdre la liberté que de son aveu. Bien plus, lors même que les décemvirs auraient déclaré illégal le serment fait pour défendre sa liberté, nos pères ont réglé que, quiconque le voudrait, pourrait, en cette espèce seule, plaider de nouveau l’affaire déjà jugée. Quant au droit de citoyen, jamais personne ne le perdra malgré soi sur une ordonnance du peuple.

XXX. Les citoyens romains, qui allaient s’établir dans les colonies latines, ne pouvaient devenir Latins qu’autant qu’ils avaient donné leur aveu et fait enregistrer leur nom. Ceux qui étaient condamnés pour crime capital ne perdaient leur qualité de citoyen qu’après s’être fait recevoir dans le lieu qu’ils avaient choisi pour leur nouveau domicile, et comme en échange de leur ancienne patrie : ce qu’on les contraignait de faire, non en les dépouillant formellement du droit de cité, mais en leur interdisant le feu et l’eau dans tout l’empire.

Le peuple romain, sur la proposition du dictateur Sylla, dans les comices par centuries, ôta le droit de cité romaine à des villes municipales ; il les priva aussi d’une partie de leur territoire. Cette dernière disposition est restée ; le pouvoir du peuple s’étendait jusque-là : mais pour le droit de cité, ce retranchement ne dura pas même aussi longtemps que l’autorité violente de Sylla. Quoique les habitants de Volaterre fussent encore en armes, Sylla victorieux, Sylla qui venait de reconquérir la république, ne put, même avec les comices par centuries, leur ôter le droit de cité. Ils sont aujourd’hui nos citoyens, et même nos citoyens les plus fidèles : et c’est un consulaire que Clodius, dans le bouleversement de l’État, aura pu dépouiller de ce droit, en assemblant des gens à ses gages, des misérables et même des esclaves, ayant à leur tête un Sédulius, qui affirme ne s’être pas trouvé à Rome ce jour-là ! S’il n’y était pas, cruelle est votre audace d’avoir fait graver son nom ! et combien étiez-vous dénué de ressources, puisque votre imposture n’a pu vous fournir un nom plus honorable ! S’il a donné le premier son suffrage, ce qui lui était d’autant plus facile que, n’ayant où se loger, il passait la nuit dans le forum, pourquoi ne jurerait-il pas qu’il était alors à Gadès, comme vous avez si bien prouvé que vous étiez à Intéramne ?