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mise à votre jugement : non qu’il ne fût persuadé que ce tribun n’a rien fait que de contraire aux lois, à la religion, à tous les droits ; mais de peur qu’un jour quelqu’un de ces hommes pervers, maintenant si nombreux, ne vînt dire que ma maison est encore sous les liens d’une consécration religieuse.

En effet, que cette loi soit nulle, c’est ce que le sénat a décidé toutes les fois qu’il a délibéré à mon sujet, puisqu’elle portait défense à lui d’en délibérer. J’en atteste ces deux hommes si dignes l’un de l’autre, Pison et Gabinius. Pénétrés, comme on sait, de la terreur des lois et des jugements, lorsque tout le sénat les sollicitait chaque jour de proposer l’affaire de mon rappel, ils disaient que pour eux ils n’y répugnaient pas, mais qu’ils avaient les mains liées par la loi de Clodius : ils disaient vrai, mais ils n’étaient liés que par cette autre loi du tribun, qui leur abandonnait la Macédoine et la Syrie.

XXVII. Pour vous, P. Lentulus, vous n’avez jamais cru, ni avant, ni durant votre consulat, que ce fût véritablement une loi : consul désigné, vous avez opiné plusieurs fois à mon sujet, sur la proposition des tribuns du peuple ; et, depuis les calendes de janvier jusqu’à la décision, vous avez fait le rapport sur mon retour, vous en avez promulgué la loi, vous l’avez soumise à la sanction du peuple : toutes choses que vous n’auriez pas eu droit de faire, si cet acte avait eu force de loi. Métellus lui-même, votre illustre collègue, quand deux hommes étrangers à Clodius voulaient y voir une loi ; Métellus, beau-frère de Clodius, l’a jugée nulle, en proposant avec vous mon rappel au sénat. Mais ces hommes scrupuleux, qui ont si fort respecté les lois de Clodius, comment ont-ils observé les autres ? Le sénat dont le jugement est si important sur la validité des lois, a regardé celle-ci comme nulle toutes les fois qu’il a été consulté sur mon rappel. Vous l’avez ainsi jugé vous-même, Lentulus, lorsque vous en avez proposé la loi ; car elle ordonne, non pas qu’il me soit permis de venir à Rome, mais QUE J’Y VIENNE. Votre intention n’était pas qu’on me rendit une liberté que je n’avais point perdue, mais que je reparusse dans la république, moins comme réhabilité, que comme appelé par la volonté du peuple au gouvernement de l’État.

Voila donc, monstre fatal à la patrie, voilà celui que tu as osé appeler exilé, toi qui, flétri par tant de crimes, ne saurais te montrer en aucun lieu qui ne soit pour toi un véritable exil ! Qu’est-ce, en effet, qu’un exilé ? Le mot, par lui-même, présente l’idée d’un malheur, et non d’une flétrissure. Quand donc est-il déshonorant ? C’est, dans la réalité, lorsqu’il est la peine d’un crime, et, dans l’opinion publique, lorsqu’il est l’effet d’une condamnation. À quel titre peux-tu donc m’appeler exilé ? est-ce comme coupable ou comme condamné ? Coupable ? vous n’oseriez plus le dire, ni toi que tes satellites appellent l’heureux Catilina, ni aucun de ceux qui le disaient sans cesse : il n’est plus d’homme assez aveugle pour me faire un crime de mon consulat ; il n’en est plus même d’assez ennemi de la patrie pour ne pas avouer que mes conseils l’ont sauvée.

XXVIII. Est-il, en effet, dans l’univers une assemblée délibérante, grande ou petite, qui n’ait jugé de ma conduite ce que je pouvais désirer de plus flatteur et de plus avantageux ? Le conseil suprême du peuple romain, de toutes les nations et de tous les rois du monde, c’est le sénat. Or, le sénat a ordonné, par décret, à tous les citoyens qui s’intéressaient au salut dé la république, de se rendre à Rome, uniquement pour y prendre ma défense ; et il semble avoir ainsi proclamé que