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chassé, Caton éloigné, il tourne sa rage contre celui-là même dont les conseils et les secours, a en croire ses harangues au peuple, l’avaient aidé dans tout ce qu’il avait fait, et ce qu’il faisait encore. Il ne se flattait pas sans doute que Pompée, regardé de tout le monde comme le premier des Romains, fermât plus longtemps les yeux sur ses fureurs. Après avoir soustrait à sa garde un ennemi prisonnier, le fils d’un roi ami de la république ; après avoir provoqué par cet outrage un homme de cœur tel que Pompée, il crut pouvoir lui tenir tête avec la même armée contre laquelle je n’avais pas voulu risquer un combat dont les gens de bien eussent partagé le péril. Et d’abord il eut pour lui les deux consuls ; dans la suite, Gabinius rompit le traité ; Pison seul lui demeura fidèle. Que de meurtres alors ! que d’hommes mis en fuite à coups de pierres ! avec quelle facilité, quoique abandonné déjà de ses meilleures bandes, il réduisit Pompée, soit par la force des armes, soit par ses embûches continuelles, à s’absenter du forum et du sénat, et à se tenir enfermé chez lui ! vous l’avez vu, et vous pouvez juger quelle était la puissance de cette faction dans sa nouveauté et dans son union, puisque, désunie et mourante, elle faisait encore trembler Pompée !

XXVI. C’est ce qu’avait bien compris, dans la délibération des kalendes de janvier, le sage L. Gotta, dont vous connaissez tous l’attachement pour la république, pour moi et pour la vérité, quand il a dit qu’il n’y avait pas lieu à proposer une loi pour mon rappel, soutenant que j’avais sauvé l’État en cédant à la tempête ; que j’avais montré plus de souci pour vous et pour tous les autres citoyens, que pour moi et ma famille ; que j’avais été chassé par la violence, par les armes, par des divisions fomentées pour servir de prétexte aux assassinats, par une tyrannie jusque-là sans exemple ; qu’il n’avait pu être proposé de loi contre ma personne ; que, dans tout ce qui s’était fait, il n’y avait rien de légal, rien d’obligatoire, rien qui ne fût l’ouvrage de l’emportement, du désordre, de la violence et de la rage ; que si l’on regardait cet acte comme une loi, il ne serait permis ni aux consuls de mettre l’affaire en délibération dans le sénat, ni à lui-même d’en dire son avis ; et que, puisque l’un et l’autre avaient lieu, il fallait bien se garder de porter une loi pour mon retour, de peur qu’on ne vît une loi dans ce qui n’en était pas une. C’est ce que l’on pouvait décider de plus vrai, de plus sage, de plus salutaire ; en flétrissant ainsi la scélératesse et la fureur de Clodius, on garantissait pour jamais l’État d’un pareil fléau.

Ces vérités n’ont pas échappé à Pompée, lorsqu’il a opiné si honorablement pour moi ; ni à vous, pontifes, qui m’avez défendu et par la sagesse de vos avis, et par l’autorité de vos discours : vous n’avez pas manqué de reconnaître que cette loi n’était pas une loi, mais plutôt une flamme incendiaire, un signal de crime, un cri de fureur ; seulement vous avez voulu prévenir des mécontentements populaires qui pouvaient retomber un jour sur vous, si je paraissais rétabli dans tous mes droits sans un jugement du peuple.

C’est dans cette même pensée, que sur l’avis d’un homme courageux, M. Bibulus, le sénat a décidé que l’affaire de ma maison serait sou-