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session des droits de citoyen : et déjà ma maison du mont Palatin était transportée chez un des deux consuls, et celle de Tusculum, chez l’autre ; tous deux empêchaient le sénat d’opiner ; les marbres de mes portiques étaient voiturés, sous les yeux du peuple romain, chez la belle-mère de l’un des consuls ; et celui que j’avais ailleurs pour voisin faisait passer chez lui les meubles, les ornements et jusqu’aux arbres de ma maison de campagne ; on la démolissait de fond en comble, non pour le butin, car quel butin y pouvait-on trouver ? mais par haine et par vengeance. Ma maison du mont Palatin était en feu, et cet incendie n’était pas l’ouvrage du hasard, mais celui de mes ennemis : cependant les consuls se réjouissaient à table, félicités par les conjurés, et se vantant d’avoir été, l’un favori de Catilina, l’autre, cousin de Céthégus. Pontifes, voilà les violences, voilà les attentats et les fureurs dont j’ai garanti la tête de tous les honnêtes gens, en les attirant sur la mienne. J’ai essuyé seul tout l’effort des discordes et toute la rage des méchants dont la haine invétérée, après avoir été longtemps contenue et réduite au silence, commençait à éclater, enhardie par des chefs audacieux ; c’est sur moi qu’ont été lancées, par la main d’un tribun, les torches incendiaires des consuls ; c’est sur moi que se sont attachés tous les traits de la conjuration, ces traits parricides que j’avais autrefois émoussés. Si, comme me le conseillaient beaucoup d’amis généreux, j’avais voulu repousser la force par la force, ou j’aurais triomphé en exterminant la plupart des méchants, qui n’en étaient pas moins des citoyens ; ou, ce qui eût été le premier de leurs vœux, j’aurais, en périssant avec la république, vu massacrer tous les gens de bien. Je savais que tant qu’il y aurait à Rome un sénat et un peuple romain, je ne pouvais manquer d’y revenir bientôt couvert de gloire ; et je ne concevais pas qu’il fût possible que je demeurasse longtemps exclu d’une république dont j’avais été le sauveur. Et si le retour m’eût été à jamais interdit, j’avais appris ou lu dans nos annales, que d’illustres personnages de notre cité avaient osé se jeter au-devant d’une mort inévitable, au milieu des ennemis, pour le salut de leur armée : aurais-je donc hésité d’imiter cet exemple pour le salut de la république entière ? ayant surtout cet avantage, que les Décius n’entendirent jamais parler de leur gloire, au lieu que je devais être témoin de la mienne.

XXV. Aussi votre fureur, en se brisant contre moi, ne faisait plus que d’inutiles efforts. L’excès de mes infortunes avait épuisé la rage des scélérats. Après une injustice si atroce, au milieu de tant de ruines désastreuses, il ne restait plus rien à faire à la cruauté. Caton avait été, après moi, le plus coupable à vos yeux : que faire ? vous ne pouviez trouver de vengeance proportionnée à ses torts. Mais quoi ? vous pouviez l’éloigner sous prétexte des trésors de Chypre : c’était une proie perdue ; mais il s’en trouvera d’autres. L’essentiel était de l’éloigner. Cet odieux Caton, vous le reléguez, apparemment par faveur, en Chypre ; et l’on chasse ainsi de Rome deux citoyens dont les méchants ne pouvaient soutenir la vue, l’un par un honneur qui l’humilie, et l’autre par une punition qui fait sa gloire. Mais pour vous apprendre que ce n’est point des personnes, mais des vertus, que Clodius a toujours été l’ennemi ; moi