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n’est pas après avoir perdu les sacrifices paternels que vous avez été admis à ceux de votre famille adoptive. Ainsi, confondant les choses saintes, et faisant un indigne mépris et de la famille que vous avez reniée et de celle que vous avez déshonorée, vous avez abjuré le droit des tutelles et des successions, qui appartient par la loi à tout citoyen romain, pour devenir, contre tout droit, le fils de celui dont, par votre âge, vous auriez pu être le père.

XIV. Je parle devant les pontifes, et je nie que votre adoption soit conforme au droit pontifical : premièrement, parce que vos âges sont tels, que celui qui vous a adopté comme votre père était d’âge à vous tenir lieu de fils, ou d’autre chose, comme il a fait ; ensuite, parce qu’on a coutume de demander la cause de l’adoption, afin qu’elle n’ait lieu que pour celui qui, suivant les lois et le droit pontifical, cherche à se procurer ce qu’il ne peut plus obtenir de la nature ; et que son adoption soit telle, qu’il ne perde rien ni de la noblesse de sa race ni de sa religion de famille ; c’est surtout pour qu’il n’y intervienne ni surprise, ni fraude, ni fourberie ; en sorte que cette filiation fictive, produite par l’adoption, soit, autant qu’il est possible, une imitation de la filiation naturelle. Or, n’est-ce pas la fraude la plus insigne, qu’un jeune homme, dans la première fleur de l’âge, bien portant, marié, vienne dire qu’il a intention d’adopter un sénateur romain, pendant que tout le monde sait et voit que l’effet de cette adoption ne sera pas de donner à ce sénateur la qualité de fils, mais de le tirer du rang de patricien, pour qu’il puisse être tribun du peuple ; que même on ne cache point cette manœuvre, et que le prétendu fils soit émancipé sur-le-champ, de peur qu’il n’appartienne en rien à son père adoptif ? Pourquoi donc est-il adopté ? Approuvez, pontifes, de pareilles adoptions, et c’en est fait de tous les sacrifices de famille, dont vous devez être les conservateurs fidèles. Bientôt il n’y aura plus de patriciens ; car, qui voudrait alors garder un rang qui l’exclut du tribunat, qui lui rend plus difficile l’accès au consulat, qui le prive souvent du sacerdoce ? Toutes les fois qu’un patricien trouvera son profit à devenir plébéien, il le deviendra au moyen d’une adoption pareille ; et le peuple romain n’aura bientôt plus ni roi des sacrifices, ni flamines, ni saliens, ni la moitié de ses prêtres, ni présidents pour ses comices par centuries et par curies. Les auspices mêmes du peuple romain seront nécessairement anéantis, puisqu’il n’y aura plus d’interroi, l’interroi devant être patricien et présenté par un patricien. Je le répète devant les pontifes : votre adoption n’a été approuvée par aucun décret de ce collège ; elle s’est faite au mépris de toutes les lois pontificales ; elle doit être regardée comme nulle : que devient donc votre tribunat ?

XV. Je viens aux augures, dont je ne fouille point les livres, s’il en est de cachés ; je n’ai point la curiosité d’approfondir leurs mystères ; mais je sais ce que j’ai appris d’eux avec tout le peuple, ce qu’ils ont déclaré cent fois dans les assemblées. Ils nous enseignent que toute délibération publique est interdite quand ils observent le ciel. Or, le jour où l’on prétend que fut portée, dans l’assemblée des curies, la loi de votre adoption, pouvez-vous nier qu’on ait observé le