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de la cause plus que je ne prévoyais et que je ne voulais ; mais, outre le désir extrême que j’avais de me justifier devant vous, l’attention bienveillante avec laquelle vous m’avez écouté, m’a fait prolonger cette discussion. Je vous en dédommagerai en traitant plus succinctement l’affaire même qui vous est soumise ; et comme elle tient d’un côté au droit de la religion, et de l’autre au droit de la république, laissant à part le premier objet, qui demanderait plus de détails, je ne parlerai que de ce qui intéresse le bien de l’État. Car qu’y aurait-il de si présomptueux que de prétendre instruire le collège des pontifes de ce qui regarde la religion, les choses divines, les cérémonies sacrées ? ou quoi de plus insensé que de venir vous débiter à vous-mêmes ce qu’on a trouvé dans vos livres ? de plus indiscret que de vouloir approfondir des matières sur lesquelles nos ancêtres ont voulu que l’on vous consultât, comme les seuls qui en fussent instruits ?

XIII. Je soutiens que, par le droit public et nos lois, aucun citoyen ne peut subir aucun malheur de ce genre sans jugement ; je soutiens que telle a toujours été la jurisprudence romaine, même du temps des rois ; que telle nous l’avons reçue de nos ancêtres ; en un mot, qu’il est essentiel dans un État libre qu’un citoyen ne puisse être privé en aucune manière de ses droits ni de ses biens, sans un jugement du sénat, du peuple ou de ceux qui sont constitués juges sur chaque espèce d’affaires. Le voyez-vous, Clodius ? je ne cherche pas à arracher jusqu’à la racine tout ce que vous avez fait ; je n’entreprends pas même de prouver ce qui est évident, que vous avez tout fait sans titre ni qualité, que jamais vous n’avez été tribun du peuple. Voici ce que je dis : Il est patricien ; je le dis devant les pontifes, en présence des augures, dans le sanctuaire même du droit public. Quel est, pontifes, le droit des adoptions ? Que celui qui adopte ne puisse plus espérer d’enfants ; et que, lorsqu’il l’a pu, il ait essayé d’en avoir. Quel doit être ensuite le motif de l’adoption ? que faut-il observer quant à la différence des familles, des rangs, des cultes domestiques ? Sur tous ces points on consulte le collège des pontifes. Dans votre adoption, en est-il un seul qu’on ait examiné ? Un homme de vingt ans, et moins encore, adopter un sénateur ! Était-ce faute d’enfants ? Mais il est en âge d’en avoir ; il a une femme, il en a des enfants. Le père déshéritera donc son fils.

Et les sacrifices de la famille Clodia, pourquoi les laissez-vous éteindre ? C’était aux pontifes à prononcer. On s’est peut-être contenté de vous demander si vous vouliez troubler la république par des séditions, et si vous vous faisiez adopter pour devenir, non le fils de Fontéius, mais tribun du peuple et fléau de l’État. Sans doute vous avez répondu, oui. Les pontifes ont trouvé cette raison excellente, et ils l’ont approuvée. On ne s’est point informé de l’âge du père adoptif, comme on le lit à l’égard de Cn. Aufidius et de M. Pupius, que nous avons vus nous-mêmes adopter solennellement, dans un âge très-avancé, l’un Oreste, et l’autre Pison : adoptions qui, comme une infinité d’autres, eurent pour suite les héritages du nom, des biens, et des sacrifices domestiques. Mais vous, vous n’êtes point Fontéius, comme vous devriez l’être ; vous n’êtes point héritier de votre père ; et ce