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Quel est ce Sergius ? l’écuyer de Catilina, aujourd’hui votre satellite, le porte-enseigne des factieux, le boute-feu des échoppes ; un homme condamné pour crime d’outrages ; un assassin, un jeteur de pierres, qui infeste le forum, qui assiège le sénat. Lorsque, avec de pareils chefs, durant la cherté des vivres, vous vous prépariez à fondre, au premier moment, sur les consuls, sur le sénat, sur les biens et les fortunes des riches, sous prétexte de défendre la multitude ignorante et pauvre ; lorsqu’il n’y avait plus de salut pour vous dans la paix, que vous aviez une armée de scélérats enrôlés et distribués par décuries, sous des chefs désespérés ; le sénat ne devait-il donc pas éteindre ce brandon funeste qui aurait bientôt allumé la sédition ?

Il y avait donc sujet de prendre des mesures extraordinaires. Voyez maintenant, pontifes, si j’y avais plus d’intérêt que personne.

VI. Ce Sergius, ce Lollius, vos amis, ces autres pestes publiques, qui nommaient-ils lorsque les pierres volaient, qui sommaient-ils de ramener l’abondance ? n’était-ce pas moi ? Et ces enfants qui coururent toute la nuit dans la ville, dressés sans doute par vous-même, n’était-ce pas à moi qu’ils demandaient du pain ? comme si jamais j’avais été chargé de l’approvisionnement de Rome, ou que j’eusse du blé caché, ou qu’il eut dépendu de moi de remédier à la disette, soit par ma surveillance, soit par mon autorité. Mais cet homme altéré de sang avait donné mon nom à ses mercenaires, l’avait jeté à une foule ignorante.

Lorsque, dans le temple de Jupiter, tout le sénat, excepté Clodius, eut décidé mon rappel, le même jour on vit une abondance inespérée succéder a l’extrême cherté. Il y en eut qui dirent, et je pense comme eux, que les dieux approuvaient ainsi mon retour. D’autres conjecturaient que, l’espérance du repos et de la concorde paraissant dépendre de mon retour, et mon absence faisant appréhender de nouvelles séditions, le prix des vivres devait baisser, dès qu’on ne craignait plus la guerre civile. Aussi, la disette ayant sévi de nouveau à l’époque de mon arrivée, contre les promesses des gens de bien, c’est à moi qu’on s’adressait pour avoir du blé.

VII. Enfin, non-seulement c’était moi que nommaient vos mercenaires, à votre instigation ; mais lors même que vos bandes séditieuses eurent été chassées et dissipées, c’était moi que tout le peuple romain, réuni au Capitole, appelait au sénat. Quoique malade, j’y vins. Plusieurs sénateurs avaient déjà donné leur avis ; on me demanda le mien : je donnai celui qui était le plus salutaire à la république, le seul que je pusse donner. On me demandait du blé, des vivres à meilleur compte, sans examiner si je pouvais quelque chose. Pressé par les instances des gens de bien, fatigué des clameurs des méchants, je conseillai qu’on s’adressât à un ami de plus de ressources que moi, non pour rejeter sur lui, après les obligations que je lui dois, un fardeau trop pénible pour moi, j’aurais mieux aimé succomber sous le faix, mais parce que je voyais, comme tout le monde, qu’en proposant Cn. Pompée, je trouverais de sûrs garants de notre confiance en lui, dans son zèle, sa prudence, son courage, son autorité, son bonheur. Ainsi donc, soit que les dieux, après avoir marqué mon éloignement par la stérilité, la famine, la dépopulation, les meurtres, les incendies,