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V. Mais, je le demande, que trouve-t-on à redire dans cet avis, que j’ai le premier ouvert et soutenu ? N’était-ce pas le moment de prendre un parti extraordinaire ? n’était-ce pas à moi surtout de l’indiquer ? fallait-il prendre un autre parti ? Mais quelle circonstance, quelle raison plus pressante qu’une famine, qu’une sédition, que vos projets et ceux de vos gens, qui, dans une occasion si propice aux soulèvements populaires, s’imaginèrent que la disette vous servirait de prétexte pour renouveler vos funestes brigandages ? Les provinces dont nous tirons nos blés, ou n’en avaient pas, ou les avaient envoyés ailleurs, à cause de la différence des prix, ou les tenaient en réserve, pour faire mieux valoir leur service, en venant à notre secours, au milieu d’une famine, par des envois inattendus. Le mal n’était pas douteux ; il était certain, actuel ; il frappait tous les yeux : on n’avait plus à le prévoir, on en souffrait. Le prix des vivres augmentant de jour en jour, au point que l’on ne craignait plus simplement une cherté, mais une disette et une famine extrêmes, le temple de la Concorde se trouva tout d’un coup environné pendant que le consul Métellus y assemblait le sénat.

Que si ce mouvement fut l’effet du désespoir de ce peuple affamé, assurément les consuls pouvaient évoquer l’affaire, et le sénat prendre des mesures. Si la cherté ne fut que le prétexte d’une sédition dont vous étiez l’instigateur, ne devions-nous pas nous réunir tous pour ôter tout aliment à votre fureur ? Enfin, si c’était l’un et l’autre, si la famine avait aigri le peuple, et que vous eussiez irrité le mal, comme l’ongle envenime la blessure, ne fallait-il pas employer des remèdes d’autant plus forts, pour guérir à la fois et le mal interne, et celui que votre malice y avait ajouté ? Il y avait donc cherté actuelle et famine inévitable : ce n’est pas tout, il y eut des pierres jetées. Si la misère poussa le peuple à cette extrémité, sans qu’il fût soulevé par personne, c’était toujours un grand mal ; si Clodius s’en mêla, c’est un crime ordinaire à un scélérat tel que lui ; s’il était vrai tout à la fois, et que la circonstance fût capable par elle-même d’émouvoir la multitude, et qu’il se soit trouvé là des gens en armes, tout prêts à se mettre à la tête de la sédition, n’est-il pas évident que la république elle-même implorait alors et le secours du consul, et l’appui du sénat ?

Or, il est clair que c’était l’un et l’autre. D’abord, qu’il y ait eu rareté de vivres, disette extrême de blé ; qu’on ait craint, non-seulement une cherté prolongée, mais la famine : tout le monde en convient ; qu’ensuite cet homme, l’ennemi déclaré de la paix et de la tranquillité publique, fût tout disposé à saisir cette occasion de piller, de tuer, de brûler, c’est ce que je ne veux pas que vous vous borniez à soupçonner, pontifes ; il faut le voir. Qui sont ceux que C. Métellus, votre beau-frère, a nommés, en plein sénat, comme l’ayant poursuivi et même blessé à coups de pierres ? Un Sergius, un Lollius, voilà ceux qu’il a nommés. Quel est ce Lollius ? un homme qui, maintenant même, auprès de vous, n’est pas sans une arme ; qui, pendant votre tribunat, demanda pour lui la commission d’assassiner, je ne veux pas dire moi, mais Cn. Pompée.