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chère que ne l’était ma fortune quand je la possédais tout entière. Les privations, mieux que les jouissances, m’ont fait comprendre ce que donnent de plaisir les amitiés, les habitudes de société, les rapports de voisinage et de clientèle, les pompes de nos jeux et la magnificence de nos fêtes.

Mais surtout ces distinctions, ces honneurs, cette considération publique, en un mot tous vos bienfaits, quelque brillants qu’ils m’aient toujours paru, renouvelés aujourd’hui, se montrent à mes yeux avec plus d’éclat que s’ils n’avaient souffert aucune éclipse. Et la patrie elle-même, ô dieux immortels ! comment exprimer les sentiments d’amour et le ravissement que sa vue m’inspire ! Admirable Italie ! cités populeuses ? paysages enchanteurs ! fertiles campagnes ! récoltes abondantes ! que de merveilles dans Rome ! que d’urbanité dans les citoyens ! quelle dignité dans la république ! quelle majesté dans vos assemblées ! Personne ne jouissait plus que moi de tous ces avantages. Mais de même que la santé a plus de charmes après une maladie longue et cruelle, de même aussi tous ces biens, quand la jouissance en a été interrompue, ont plus d’agrément et de douceur que si l’on n’avait jamais cessé de les posséder.

II. Pourquoi donc toutes ces paroles ? pourquoi, Romains ? C’est pour vous faire sentir que tous les moyens de l’éloquence, que toutes les richesses du style s’épuiseraient en vain, sans pouvoir, je ne dis pas embellir et relever par un magnifique langage, mais seulement énoncer et retracer par un récit fidèle la grandeur et la multitude des bienfaits que vous avez répandus sur moi, sur mon frère et sur nos enfants. Je vous dois plus qu’aux auteurs de mes jours ; ils m’ont fait naître enfant, et par vous je renais consulaire. J’ai reçu d’eux un frère, avant que je pusse savoir ce que j’en devais attendre : vous me l’avez rendu, après qu’il m’a donné des preuves admirables de sa tendresse pour moi. La république m’a été confiée quand elle allait périr : je l’ai recouvrée par vous, après que tous les citoyens ont enfin reconnu qu’un seul homme l’avait sauvée. Les dieux immortels m’ont accordé des enfants : vous me les avez rendus. Nos vœux avaient obtenu de leurs bontés beaucoup d’autres avantages : sans votre volonté, tous ces présents du ciel seraient perdus pour nous. Vos honneurs enfin, à chacun desquels nous étions parvenus par une élévation progressive, vous nous les restituez tous en un seul et même jour ; en sorte que les biens que nous tenions soit de nos parents, soit des dieux, soit de vous-mêmes, nous les recevons tous à la fois de la faveur du peuple romain tout entier. En même temps que la grandeur de votre bienfait surpasse tout ce que je puis dire, votre affection et votre bienveillance se sont déclarées d’une manière si touchante, que vous me semblez avoir non seulement réparé mon infortune, mais ajouté un nouvel éclat à ma gloire.

III. P. Popillius dut son retour aux sollicitations de ses jeunes fils et d’un grand nombre de parents et d’alliés ; Q. Métellus eut pour intercesseurs auprès de vous et de vos pères son fils, respectable