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me redemandait son amant Catilina ; l’autre son parent Céthégus. Ces deux hommes, les plus scélérats qui aient jamais existé, moins consuls que brigands, m’ont abandonné dans une cause publique et consulaire ; que dis-je ? ils m’ont trahi, ils m’ont attaqué ; ils ont voulu, en me privant de leur secours, me priver aussi du vôtre et de celui des autres ordres de l’État. Il est vrai que l’un des deux n’a trompé ni moi ni personne.

V. En effet, que pouvait-on attendre de bon d’un homme qui avait prostitué les premières années de sa jeunesse aux plus honteuses dissolutions ; qui n’avait pu garantir des attentats de l’impudicité la partie de son corps la plus sacrée ; d’un homme qui, après avoir dissipé son patrimoine aussi promptement qu’il dissipa ensuite les revenus du trésor, a soutenu son luxe et son indigence par une prostitution domestique ; d’un homme qui n’aurait pu éviter ni la sévérité du préteur, ni la foule de ses créanciers, ni la confiscation de ses biens, s’il n’eût cherché un asile à l’autel du tribunat ; qui, sans la loi qu’il présenta au peuple, durant cette magistrature, pour la guerre des pirates, eût été infailliblement contraint, et par la misère, et par la perversité, de faire lui-même le métier de pirate ? et certes, il eût causé alors moins de préjudice à la république qu’en se montrant, au milieu de Rome, ennemi cruel et brigand odieux. N’est-ce pas en sa présence, n’est-ce pas sous ses yeux qu’un tribun du peuple a porté une loi qui défendait d’avoir égard aux auspices, d’interrompre une assemblée des comices ou du forum, de s’opposer à une loi, une loi qui renversait les lois Élia et Fufia, si sagement établies par nos ancêtres pour servir de frein aux fureurs des tribuns ? Et lorsque ensuite une multitude innombrable de gens de bien fut venue du Capitole en habit de deuil pour le supplier ; lorsque de jeunes nobles de la plus haute naissance, et tous les chevaliers romains, se furent jetés aux pieds de cet infâme, avec quel air cet audacieux débauché, aux allures efféminées, repoussa-t-il les larmes des citoyens, les prières de la patrie ! Ce n’est point assez encore : il parut à l’assemblée du peuple ; il fit entendre des paroles que son cher Catilina, s’il fût revenu au monde, n’eût osé prononcer. Il ferait, disait-il, expier aux chevaliers romains les nones de décembre de mon consulat et la rue du Capitole. Non content de le dire, il manda ceux qu’il lui plut ; cet impérieux consul fit sortir de la ville L. Lamia, un des chevaliers romains les plus distingués, que son amitié pour moi attachait à mes intérêts, que sa fortune liait à celle de la république. Vous aviez décidé dé prendre des habits de deuil ; vous en aviez pris, à l’exemple de tous les gens de bien qui l’avaient déjà fait auparavant : lui, parfumé d’essences, revêtu de la robe bordée de pourpre, que tous les préteurs, que tous les édiles avaient alors déposée, il insulta aux marques de votre tristesse, à l’affliction d’une ville reconnaissante ; et, ce que ne fit jamais aucun tyran, sans rien promettre qui pût calmer vos secrètes douleurs, il vous défendit de pleurer publiquement sur les infortunes de la patrie.

Mais quand, dans l’assemblée du cirque Flaminius, il fut présenté, non comme un consul par un tribun du peuple, mais comme un chef