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NOTES
SUR LE PLAIDOYER POUR S. ROSCIUS.

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I. Prætor. La principale fonction des préteurs était l’administration de la justice. Ils ne jugeaient pas eux-mêmes ; ils présidaient le tribunal, surveillaient l’instruction du procès, recueillaient les suffrages des juges et prononçaient la sentence, c’est-à-dire, le résultat de la majorité des suffrages.

Le préteur de Rome, Prætor urbanus, aussitôt qu’il entrait en charge, choisissait les citoyens qui devaient exercer les fonctions de juges pendant l’année de sa magistrature. Il formait autant de tableaux qu’il y avait de tribunaux établis par des lois spéciales. La distribution des juges était réglée par le sort.

À chaque cause nouvelle, on tirait au sort le nombre des juges prescrit par la loi. Ce nombre, toujours impair, n’était pas le même pour toutes les causes. Cicéron parle, d’un procès où il y avait soixante-quinze juges, et d’un autre où il y en avait trente-trois.

Les deux parties pouvaient en récuser un nombre fixé par la loi. Le préteur en substituait d’autres, mais toujours par la voie du sort.

Les juges étaient placés sur des bancs, au-dessous du tribunal du préteur.

Ils n’opinaient jamais qu’après avoir fait serment de juger selon la loi.

II. Sexagies sextertium. Le sesterce était la quatrième partie du denier romain. Ce denier avait la même valeur que la drachme attique. Voyez (Voyage d’Anacharsis, septième volume) les travaux de l’abbé Barthélemy, pour constater le titre de la drachme, et en comparer la valeur avec celle de nos monnaies. Il trouve que la drachme valait dix-huit sous (quatre-vingt-dix centimes), et par conséquent le sesterce, quatre sous et demi (vingt-deux centimes et demi). Ainsi les biens de Sextus Roscius, qui valaient treize cent cinquante mille francs furent adjugés pour quatre cent cinquante francs.

Ibid. L. Cornélius Chrysogonus. Ce nom de Chrysogonus est formé de deux mots grecs, χρυσὸς, or, et γόνος, fruit, produit. C’est ce qui fait dire à Cicéron, c. 43 : Venio nunc ad illud nomen aureum, comme Ronsard a dit du vieux Dorat : Dorat qui a nom doré.

Chrysogonus est nommé L. Cornélius, parce que c’était l’usage que les esclaves prissent le nom du maître qui les avait affranchis. Il avait été apporté à Rome des provinces de l’Asie, exposé en vente sur la place publique, et acheté par Sylla. Pline, XXXV, 18, nous fait connaître le premier état de cet homme si riche et si insolent, il le cite parmi les affranchis qui ont acquis des fortunes immenses à la faveur des proscriptions.

III. Ex senatu in hoc consilium delecti estis. Le privilège d’être nommés juges appartint aux sénateurs seuls, jusqu’à l’année de Rome 630. C. Gracchus, toujours occupé du soin d’affaiblir l’autorité du sénat, transféra ce droit aux chevaliers romains. Ils en jouirent jusqu’au consulat de Servilius Cépion. Le tribun Plautius, l’an 665, remit les sénateurs en possession des tribunaux. Il porta une loi qui ordonnait que chaque tribu nommerait chaque année quinze citoyens pour remplir les fonctions de juges. Ils pouvaient être indifféremment sénateurs, chevaliers, ou même simples plébéiens. La loi eut son exécution jusqu’à la dictature de Sylla. Celui-ci, l’an 671, trouvant le sénat réduit à trois cents membres, y fit entrer trois cents chevaliers, et ordonna que les sénateurs seuls seraient juges. Enfin les tribunaux excitèrent tant de plaintes, qu’en 683, le préteur Aurélius Cotta, de concert avec Pompée, consul cette année, porta une loi qui associa aux sénateurs les chevaliers et les tribuns du trésor. On voit, par ce court exposé, qu’à l’époque du procès de Sextus Roscius, les juges étaient tous sénateurs.

Ibid. Quanta multitudo hominum convenerit ad hoc judicium, vides. Lorsqu’un tribunal ne suffisait pas à la multitude des procès, le préteur choisissait un des citoyens désignés pour être juges pendant l’année. Il lui déléguait le droit de le suppléer dans les affaires qu’il jugeait à propos de renvoyer devant lui. En conséquence, ce commissaire délégué, nommé judex quæstionis, exerçait les fonctions de président. Ainsi que le préteur, il tirait les juges au sort ; il en substituait d’autres à ceux qui avaient été récusés, examinait les pièces du procès et dirigeait l’instruction. Cette présidence n’était pas une magistrature. Cicéron, dans son plaidoyer pour Cluentius, c. 29 et 33, parle d’un certain C. Junius, judex quæstionis, qui fut cité en justice et condamné pour crime de corruption. Or, s’il avait été magistrat, on n’aurait pu le traduire devant les tribunaux qu’après l’expiration de sa magistrature. Il paraît que c’était un emploi important que l’on gérait entre l’édilité et la préture. Ce C. Junius, que je viens de citer, avait été édile ; il se disposait à demander la préture. Cicéron, dans son Brutus, c. 76, parlant d’un Vitellius Varron, dit : Is quum post curulem ædilitatem judex quæstionis esset, est mortuus. On voit dans Suétone (Vie de César, chap. 17) que César remplit cette fonction après avoir été édile, et avant d’être préteur.

Lorsqu’il s’était commis un délit qui n’avait été prévu par aucune des lois pénales existantes, le peuple en prenait connaissance lui-même, ou nommait un commissaire pour juger en son nom. Ce commissaire délégué par le peuple était appelé quæsitor. Il jugeait souverainement ainsi que le préteur. Les juges qui formaient son tribunal étaient tirés au sort, comme dans les autres procès criminels.

V. Longo intervallo judicium inter sicarios hoc primum committitur. Les crimes de tout genre s’étaient multipliés dans Rome pendant les troubles et les horreurs des guerres civiles. Depuis l’an 665, les lois étaient restées muettes et impuissantes. Enfin l’an 671, Sylla, nommé dictateur, mit un terme à ces désordres. Il fit plusieurs additions au code criminel. Il établit des lois contre les faussaires, les incendiaires, les empoisonneurs, contre ceux qui commettaient des violences ou des extorsions. Il déclara criminels tous les individus qui seraient trouvés avec des armes offensives, de quelque espèce qu’elles fussent. Alors les tribunaux reprirent leur ancien exercice. Il faut convenir que les lois qu’il publia pendant le temps qu’il fut revêtu de toute la puissance de la république ne semblant plus être les opérations d’un usurpateur, mais des moyens propres à réformer un gouvernement républicain,