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tour, s’il le faut, la peine de notre fidélité, et de notre inviolable attachement pour la patrie. Déjà nous sommes nommés par les délateurs ; on forge contre nous des calomnies, on nous intente des accusations capitales. Encore si l’on se servait d’autres personnes pour nous perdre ; si l’on employait le nom du peuple pour ameuter contre nous une multitude ignorante, nous le supporterions plus tranquillement : mais ce qui est intolérable, c’est qu’on se flatte de l’appui des sénateurs et des chevaliers romains, qui, de concert, d’un même esprit et d’un même cœur, ont travaillé avec zèle à sauver l’État ; c’est qu’on prétende, par leur ministère, priver de leurs droits civils et chasser de leur patrie les conseillers, les auteurs et les chefs de cette glorieuse entreprise. Ceux-là connaissent fort bien la volonté et l’intention du peuple : oui, le peuple romain, par tous les moyens possibles, témoigne hautement ce qu’il pense ; parmi les vrais citoyens, il n’y a diversité ni d’opinion, ni de volonté, ni de langage. Si donc on me cite au tribunal du peuple, je m’y présente, et, loin de le récuser, je le demande pour juge. Mais loin de nous la violence ; qu’on n’emploie ni les épées ni les pierres ; que les artisans se retirent ; que les esclaves gardent le silence. Il n’est personne parmi ceux qui viendront m’entendre, pourvu qu’il soit libre et citoyen, qui ne songe plutôt à me récompenser qu’à me punir.

XXXIX. Dieux immortels ! quoi de plus déplorable ? Après avoir arraché le fer et le feu des mains de Lentulus, nous nous confions dans le jugement d’une multitude peu éclairée, et nous redoutons les décisions des citoyens les plus distingués et le plus illustres ! Du temps de nos pères, M. Aquillius, accusé d’une foule de rapines, et convaincu par de nombreux témoins, fut renvoyé absous, parce qu’il s’était signalé dans la guerre des esclaves fugitifs. Dernièrement, lorsque j’étais consul, j’ai défendu C. Pison : comme il avait montré, dans son consulat, beaucoup de fermeté et de courage, il fut conservé pour la république. J’ai défendu encore, dans le même temps, L. Muréna, consul désigné ; il était accusé par d’illustres personnages : aucun des juges, néanmoins, ne crut devoir écouter une accusation de brigue ; ils comprenaient tous, d’après mes discours, que Catilina ayant déjà levé l’étendard de la guerre, il devait y avoir deux consuls aux calendes de janvier. J’ai défendu deux fois, cette année, A. Thermus, homme sage, intègre, doué de toutes les vertus : il a été absous deux fois. C’était l’avantage de l’État ; aussi quelle satisfaction et quelle joie n’a pas fait éclater le peuple romain ! Les juges prudents et expérimentés ont toujours pensé, dans leurs décisions, à ce que demandaient le bien public, la sûreté commune, la gloire et le bonheur de Rome. Lorsque vous prononcerez, juges, ce n’est pas seulement sur Flaccus que vous prononcerez ; mais sur ceux qui veillent et président à la conservation de la république, mais sur tous les bons citoyens ; mais sur vous-mêmes, sur vos femmes et sur vos enfants ; mais sur les jours de chacun, sur la patrie et le salut de tous. Il ne s’agit pas, dans cette cause, des nations et des alliés ; il s’agit de vous, et de la république.

XL. Que si l’intérêt des provinces vous touche plus que votre intérêt propre, loin d’y mettre obstacle, je demande que vous défériez au vœu des