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lettres, s’étudie-t-il à surprendre la faiblesse de sa mère et de sa sœur ? Pourquoi, enfin, ne dépose-t-il pas lui-même ? Il est retenu, je crois, dans la province. Sa mère assure le contraire. Il serait venu, dit-elle, si on l’eût sommé. Vous l’auriez fait sans doute, Lélius, si vous aviez fondé quelque espoir sur la déposition d’un pareil témoin. Mais vous n’avez pas voulu le détourner de ses affaires. Il y avait un défi important, un démêlé sérieux entre lui et les Grecs. Les Grecs, je pense, ont été vaincus ; car lui seul l’emporte sur toute l’Asie pour le talent de boire et d’épuiser de larges coupes. Mais enfin, Lélius, qui vous a parlé de ces lettres ? Les femmes disent qu’elles ne le savent pas. Qui donc vous en a instruit ? Est-ce Falcidius lui-même qui vous a informé qu’il avait écrit à sa mère et à sa sœur ? N’a-t-il pas même écrit à votre sollicitation ? Mais n’interrogez-vous, ni M. Ébutius, cet homme grave, empli d’honneur, allié de Falcidius ; ni C. Manilius, son gendre, dont le caractère n’est pas moins estimable ? Ils auraient certainement entendu dire quelque chose d’une somme aussi forte, si elle eût été réellement donnée. Quoi donc, Décianus, avez-vous cru, en faisant lire ces lettres, en produisant de telles femmes, en donnant des louanges à l’auteur des lettres absent ; avez-vous cru pouvoir accréditer une accusation semblable, surtout quand vous paraissez déclarer, en ne faisant point venir Falcidius, qu’une lettre supposée aurait, selon vous, plus d’autorité que les paroles trompeuses et les plaintes contrefaites de Falcidius lui-même ?

XXXVIII. Mais pourquoi, Romains, pourquoi vous entretenir si longtemps de la prétendue injure faite à Andron, des lettres de Falcidius, ou du revenu de Décianus ? Pourquoi me taire sur le salut de tous les citoyens, sur la fortune de Rome, sur les intérêts de l’État ; enfin sur toute la république, dont le sort, oui, dont le sort repose aujourd’hui dans vos mains ? Vous voyez quels mouvements nous environnent, quels troubles et quels désordres se préparent. Certains hommes trament beaucoup de projets ; ils voudraient surtout vous voir vous-mêmes, dans vos arrêts et vos sentences, vous déclarer et vous armer contre les meilleurs citoyens. Vous avez défendu par plusieurs jugements sévères la dignité de la république contre la perversité des conjurés : ils croient que la face de la république ne sera point assez changée, s’ils ne font retomber la peine des citoyens pervers sur la tête des premiers bienfaiteurs de la patrie. Caïus Antonius a succombé. Peut-être n’était-il pas sans reproche. Mais Antonius même, je suis en droit de le dire, n’eût pas été condamné par des juges tels que vous. Sa condamnation a paré de fleurs le tombeau de Catilina, et rassemblé autour de ses cendres les plus audacieux des hommes, nos ennemis domestiques, qui sont venus y célébrer des fêtes et des repas : on a rendu à Catilina des honneurs funèbres. Maintenant on cherche à venger sur Flaccus le supplice de Lentulus. Eh ! pouvez-vous offrir à Lentulus, qui a voulu vous égorger dans les bras de vos femmes et de vos enfants, et vous ensevelir dans l’incendie de la patrie, une victime plus agréable que le sang de Flaccus, pour assouvir la haine criminelle dont il était animé contre nous tous ? Apaisons donc par des sacrifices expiatoires les ombres de Lentulus et de Céthégus ; rappelons les factieux que Rome a rejetés de son sein ; subissons à notre