Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/696

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais y était-elle par droit de cohabitation annuelle ou par contrat ? Ce ne pouvait être par droit de cohabitation, puisqu’on ne saurait donner atteinte à la tutelle légitime sans le consentement de tous les tuteurs. Était-ce par contrat ? cela s’était donc fait du consentement de tous les tuteurs ; et vous n’oserez pas dire que Flaccus fut du nombre. Reste à dire, ce qu’on ne cesse de répéter à grands cris, que Flaccus, étant préteur, ne devait pas être juge en sa propre affaire, ni parler de succession. Je m’adresse à vous, L. Lucullus, à vous qui devez prononcer dans cette cause : je sais que votre générosité rare envers vos amis et vos proches, et les grands services que vous leur avez rendus, vous ont procuré de riches successions lorsque vous gouverniez la province d’Asie comme proconsul. Si quelqu’un les eût réclamées comme à lui, les auriez-vous cédées ? Et vous, T. Vettius, s’il vous tombe en Afrique quelque succession, en abandonnerez-vous la jouissance ? ou retiendrez-vous votre bien sans être taxé de cupidité, sans compromettre votre honneur ? Que dis-je ? dès la préture de Globulus, la succession a été réclamée au nom de Flaccus. Ce n’est donc pas l’occasion et la circonstance, la violence et la force, l’autorité et les faisceaux, qui ont porté Flaccus à commettre une injustice.

C’est encore de ce côté-là que M. Lurcon, homme plein de vertu, mon ami, a dirigé tous les traits de sa déposition : il a dit qu’un préteur, dans sa province, ne devait pas revendiquer d’argent contre un particulier. Pourquoi, Lurcon, ne le doit-il pas ? Il ne doit pas en ravir, en extorquer, en recevoir contre les lois : mais vous ne persuaderez jamais qu’il ne doive pas en revendiquer, à moins que vous ne prouviez que les lois le défendent. Sera-t-il donc juste de se faire donner des lieutenances honoraires pour aller réclamer ce qui est dû, comme vous avez fait dernièrement vous-même, comme ont souvent fait beaucoup d’hommes de bien, ce que je ne blâme pas, quoique les alliés s’en plaignent ; et si, dans sa province, un préteur ne néglige pas un héritage, croyez-vous qu’il soit répréhensible et condamnable ?

XXXV. Valéria, dit-on, avait abandonné toute sa dot à son mari. Vous ne pouvez faire valoir cette raison, si vous ne montrez que Valéria n’était point sous la tutelle de Flaccus. Si elle y était, toute donation faite sans son consentement est nulle. Lurcon, je l’avoue, par égard pour son serment et pour sa vertu, a mesuré les termes de sa déposition : vous avez vu néanmoins qu’il en voulait à Flaccus. Il n’a point caché le motif de son ressentiment ; il n’a pas cru devoir le taire. Il s’est plaint que son affranchi avait été condamné sous la préture de Flaccus. Qu’il est triste d’avoir à gouverner des provinces ! L’exactitude nous y crée des ennemis, et la négligence, de sévères censeurs : la rigueur expose à des dangers ; on n’attache aucun prix à la douceur ; on vous parle, et c’est pour vous séduire ; on vous approuve, et c’est pour vous perdre : vous voyez sur tous les fronts l’amitié ; la haine se cache au fond des cœurs : on dissimule les mécontentements, on prodigue au dehors les caresses : un préteur va-t-il venir, on l’attend avec impatience ; est-il venu, on n’est occupé qu’à lui plaire ; il part, on l’oublie. Mais laissons nos plaintes ; on croirait peut-être n’y voir que l’éloge de notre indifférence pour les gouvernements de provinces. Flaccus a écrit au sujet du fermier d’un ho-