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fait aucun tort, puisqu’il possède ces esclaves. D’abord il éprouva une vive crainte, en apprenant votre déclaration. Il consulta ; tous les jurisconsultes furent d’accord : ils pensèrent que s’il suffisait à Décianus de déclarer des biens pour se les rendre propres, il serait bientôt fort riche ; mais ils répondirent qu’il n’en était rien. Flaccus, connaissant de la chose, en a jugé de même : de là son arrêt.

XXXIII. Telle est, Romains, la cause des inimitiés de Décianus ; tel est le ressentiment qui lui a fait déférer à Lélius cette importante accusation. Car voici comme Lélius s’est plaint de la perfidie de Décianus : Celui, dit-il, qui m’a déféré cette cause, qui m’a engagé à la prendre, qui m’a déterminé, celui-là même, gagné par Flaccus, m’a abandonné et trahi. Comment, Décianus, c’est à un homme qui vous avait admis dans son conseil, qui vous avait conservé toutes les prérogatives de votre rang, à un homme rempli d’honneur, issu d’une des plus nobles familles, connu par ses services envers la république ; c’est à un tel homme que vous avez suscité un accusateur ; c’est lui que vous avez exposé à perdre toute son existence civile ! Mais non ; je vais défendre Décianus, que Lélius a soupçonné sans raison. Croyez-moi, Lélius, Décianus n’a pas été gagné. Eh ! quel avantage aurait-on trouvé à le corrompre ? Plus de temps pour plaider ? Mais la loi n’accorde que six heures à chacune des parties. Combien Décianus ne vous eût-il pas ôté d’heures, s’il eût voulu se prêter à vos désirs ? Vous avez craint plutôt, ainsi qu’il le soupçonne lui-même, vous avez craint son talent, s’il vous eût été adjoint. Comme il s’entendait à embellir ce qu’il traitait, comme il interrogeait les témoins avec adresse, et qu’il avait l’art de les embarrasser, il est résulté de votre crainte, et du jugement du peuple, que vous n’avez pas voulu lui succéder. Aussi est-ce pour la forme seulement que vous vous êtes adjoint Décianus. Voilà ce qui est vraisemblable ; mais il ne l’est pas que Décianus ait été gagné par Flaccus. Sachez, Romains, qu’il en est de même du reste ; par exemple, de ce que dit Luccéius, que Flaccus a voulu lui donner deux millions de sesterces pour l’engager à trahir sa foi. Et vous accusez d’avarice celui que vous dites avoir voulu perdre deux millions de sesterces ! Car pourquoi vous aurait-il acheté ? pour vous mettre dans ses intérêts ? Mais quelle partie de la cause vous aurait-il confiée ? Vous aurait-il payé pour dévoiler les intrigues de Lélius, pour nommer les témoins qui sortaient de chez lui ? Mais ne voyons-nous pas qu’ils habitent avec lui ? qui est-ce qui l’ignore ? Pour dire que les registres étaient au pouvoir de Lélius ? le fait n’est plus douteux. Pour que votre accusation fût moins véhémente, moins éloquente ? Ici vous me donnez des soupçons ; car vous avez parlé de manière à faire penser qu’on a obtenu de vous quelque chose.

XXXIV. Mais il a été fait à Andron Sextilius une grande injustice, une injustice criante : Valéria, sa femme, étant morte sans avoir fait de testament, Flaccus a conduit cette affaire comme si la succession lui appartenait. Je serais bien aise de savoir en quoi vous le blâmez. Est-ce parce qu’il n’était pas fondé dans ses demandes ? Comment le prouvez-vous ? Valéria, dit-il, était de condition libre. L’habile jurisconsulte ! Est-ce qu’on ne peut pas hériter des femmes de condition libre ? Elle était, dit-il, en puissance de mari. J’entends ;