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fait ni prononcé ; il ose redemander à Hermippe, dans la ville même où il avait été condamné, les esclaves qu’il lui avait vendus lui-même. M. Gratidius, lieutenant de la même province, auquel il porta ses plaintes, déclara qu’il ne lui donnerait pas action : il fit entendre qu’il fallait s’en tenir au jugement rendu. Repoussé de toutes parts, Héraclide revient à Rome. Hermippe, qui n’avait jamais cédé à son impudence, l’y suit. Héraclide redemande au sénateur C. Plotius, homme de la première distinction, qui avait été lieutenant en Asie, certains esclaves qu’il prétendait avoir vendus malgré lui, forcé par un arrêt injuste. Q. Nason, ancien préteur, connu par ses rares qualités, est pris pour arbitre. Comme il laissait voir qu’il prononcerait en faveur de Plotius, et que d’ailleurs l’action n’était pas juridique et rigoureuse, Héraclide laissa le juge et abandonna toute la cause.

Trouvez-vous, Romains, que j’attaque suffisamment chaque témoin en particulier, au lieu de les combattre tous en général, ainsi que je me l’étais proposé d’abord ? J’arrive à Lysanias de la même ville, votre témoin d’affection, Décianus ! Comme vous l’avez connu fort jeune à Temnos, ayant commencé à l’aimer nu, vous avez voulu qu’il restât nu jusqu’à la fin. Vous l’avez amené de Temnos à Apollonide ; vous lui avez prêté à un gros intérêt une somme, avec la précaution de prendre de bonnes assurances. Comme il ne vous a point payé, vous avez gardé les assurances, et vous en êtes encore saisi. Vous avez forcé ce témoin à venir déposer, vous l’avez forcé par l’espérance de recouvrer le fonds qu’il a hérité de son père. Il n’a point encore paru ; j’attends ce qu’il dira. Je connais cette espèce d’hommes, je connais leurs habitudes, je connais leur mauvaise foi. Aussi, quoique certain de ce qu’il se dispose à dire, je ne le réfuterai pas avant qu’il ait parlé : il pourrait changer de plan et forger d’autres mensonges. Qu’il réserve donc les dépositions dont il nous menace ; moi, je réserverai mes forces pour les détruire.

XXII. Je vais maintenant parler d’une ville à laquelle j’ai rendu souvent d’importants services, et que mon frère estime et chérit singulièrement. Si cette ville eût porté ses plaintes au tribunal par l’entremise de citoyens honnêtes et respectables, j’en serais un peu plus alarmé ; mais ici, que dois-je croire ? que les Tralliens ont confié leur cause à Méandrius, personnage vil, indigent, sans crédit, sans considération, sans revenu ? Où étaient donc les Pythodore, les Étidène, les Lépison, enfin tous ces hommes connus chez nous, distingués chez eux ? Qu’est devenue cette idée avantageuse et superbe que les Tralliens ont de leur cité ? S’ils eussent regardé cette affaire comme sérieuse, n’auraient-ils pas rougi qu’un Méandrius se fût dit leur député, ou même leur concitoyen ? Flaccus, leur protecteur par son père et par ses aïeux, l’auraient-ils livré à ce député, à ce témoin public, pour l’accabler de leur témoignage ? Non, Romains, non, il n’en est pas ainsi. J’ai vu paraître comme témoins, dans une affaire récente, Philodore, citoyen de Tralles ; j’ai vu Parrhasius, j’ai vu Archidème. Ce mène Méandrius était auprès de moi, m’offrant ses vils services, et me suggérant ce que je pouvais dire, si je voulais, contre ses concitoyens et contre sa patrie : car rien de plus lâche que cet homme,