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juges, personnage de la première distinction, qui est instruit du fait et qui connaît l’homme : il lui prêta cependant sur la caution d’un citoyen honorable, P. Fulvius Vératius. Héraclide, pour payer Stola, emprunta à Caïus et à Marcus Fufius, chevaliers romains de la première distinction. Ici assurément il trompa plus habile que lui. Il prit pour dupe un homme de mérite, son concitoyen, Hermippe, dont il devait être fort connu ; il emprunta aux Fufius sur sa caution. Hermippe part pour Temnos sans inquiétude ; Héraclide lui promettait de payer aux Fufius l’argent qu’il leur avait emprunté sur sa caution, avec ce qu’il tirerait de ses disciples : car ce rhéteur avait pour disciples quelques jeunes gens riches qu’il devait rendre plus sots de moitié qu’il ne les avait pris {et qui ne pouvaient apprendre chez lui qu’une chose, c’est-à-dire, à ne rien savoir}. Cependant il ne put séduire personne, ni se faire prêter seulement un sesterce. S’étant donc évadé furtivement de Rome, où il laissa une foule de petites dettes, il se rendit en Asie. Hermippe lui parle de la dette des Fufius ; il répond que tout est payé. Sur ces entrefaites, et peu de jours après, arrive chez Hermippe un affranchi des Fufius, avec une lettre par laquelle ils lui demandent de l’argent. Hermippe s’adresse à Héraclide ; toutefois il satisfait les Fufius absents, et par là se dégage. Héraclide embarrassé tergiversait ; il l’attaque en justice. La cause est jugée par des commissaires.

Ne croyez pas, Romains, que les fourbes et les débiteurs de mauvaise foi n’aient pas partout la même impudence. Héraclide fit tout ce que font ordinairement nos débiteurs : il nia nettement avoir fait à Rome cet emprunt : il assura qu’il n’avait jamais entendu parler des Fufius ; il accabla de reproches et d’injures Hermippe, depuis longtemps mon hôte et mon ami, le citoyen de sa ville le plus considéré, le plus rempli d’honneur, de mérite et de probité. Notre rhéteur, d’une volubilité de langue extraordinaire, se répandait avec confiance en un torrent de paroles, lorsque tout à coup, à la lecture de la déposition des Fufius qui attestaient la dette, cet homme si audacieux fut frappé de crainte, ce parleur si intrépide resta muet. Aussi les commissaires, ne trouvant rien de douteux dans la cause, prononcèrent contre lui dès la première audience. Comme il n’exécutait pas l’arrêt, il fut livré à Hermippe, qui le fit mettre en prison.

XXI. Telle est, Romains, l’honnêteté du personnage, l’autorité de sa déposition, et le seul motif de sa haine contre Flaccus. Hermippe ayant mis en liberté Héraclide, qui lui avait vendu quelques esclaves, celui-ci se transporte à Rome, d’où il retourne ensuite en Asie, lorsque mon frère avait déjà succédé à Flaccus. Il va le trouver : il prétend que les commissaires, intimidés par les menaces de Flaccus, ont prononcé malgré eux contre la justice. Mon frère, selon ses principes d’équité et de prudence, décida que, s’il croyait avoir été mal jugé, il pouvait demander une réparation au double, et pour juges ces mêmes commissaires, qui n’auraient plus rien à craindre. Héraclide refuse ; et comme si rien n’eût été